Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/152

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CLIX.


Mortel embarassé entre tant d'infortune
Voyant de tes amis ore d'un foudroyé
Par l'esclat du tonnerre, ore l'autre noyé
Sous le flots de la mer, le jouet de Neptune :

Ore l'un par la peste au retour de la Lune
Devaler sous la biere, or l'autre guerroyé
Ou bien d'une Phtysie, ou d'un flux desvoyé
Souffrir les aiguillons d'une mort importune

Comme en lieu si glissant te peus tu tenir seur,
Que le cour violent du Viellart ravisseur
Ne te face gouster une fin tout pareille ?

Tant d'accident divers, de peine, & de tourment
Te sont par la nature autant d'enseignement
Que le mesme te suit, & te pend à l'oreille.


CLX.


Le cerf des animaus amirable merveille
Vit huit ou neuf cens ans, le croassant courbeau
D'un siecle devolu ne quitte le flambeau
Qui communique à tous sa clarte nonpareille,

De sept ou huit vings ans à la mort ne sommeille
La beste porte-tour, le renaissant oiseau
Douze cens ans entiers vit sans peur du tombeau,
Et trois àges ne font effrayer la corneille.

L'homme seul est celuy entre tant d'animaus
Qui le plus à de vie, & le plus à de maus
Semblable en son travail à l'araigne subtile,

Qui filant, devidant, renouant, & tournant
En ses propres filets se va emprisonnant
Ourdissant & tramant un ouvrage inutile.