Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/154

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CLXIII.


Gesincourt je scay bien combien d'extreme peine
De regrets desplaisants, d'infortunez mal-heurs,
De desirs desreglez, d'excessives douleurs,
Bourrellent sans respit la creature humaine :

Ore un mal nous torture, ore l'autre nous geine,
Nous conduit & nous meine en la maison de pleurs
Mais on ne donne point aus soldas sans valeurs
Des combas genereus la victoire certaine.

Toutes les passions que le monde jalous
Plein d'infidelité fait plouvoir dessus nous
Condignes ne sont point de la gloire future

Que le pere celeste un jour revelera
Aus hommes vertueus, lesquels il treuvera
Avoir suivi ses loys jusqu'en la sepulture.


CLXIIII.


Te verray-je tousjours de ce monde douloir
Qui ne te retient point ? si tu as quelque envie
Outré de desepoir, d'abandonner la vie
De te tuer toy-mesme as tu pas le pouvoir ?

Il ne reste à mourir sinon que le vouloir,
Nature net'a point la puissance ravie
De sortir quant tu veus, armant contre ta vie
Le desir de la mort, ou bien le desespoir

Nous n'avons qu'un chemin pour entrer dans ce monde
Mille pour en sortir, puis tout en un redonde
Soit que nous attendions, ou prevenions nos jours

Cest là le tout, cest là le but de la fusee
Ou que rompe le fil, la mort est plus prisee
Que ta volonté seule ameine à ton secours.