Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/155

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CLXV.


C’est l’indiscretion, ou bien l’impatience
Qui nous haste à la mort, quiconque se soutient
Sur la ferme vertu, constant il se maintient
Voire mesme au milieu de l’humaine inconstance.

Il y à beaucoup plus de force & d’asseurance
A trainer & user la chaine qui nous tient
Qu’a la rompre & froisser, au soldat n’appartient
De quitter son quartier s’il n’en à l’ordonnance.

Lequel estime tu meriter plus d’honneur
Regule l’indomté, ou ce grave Seigneur
Qui de sa propre main se deffit dans Uticque ?

Tu n’es pas à toy mesme, aussi ne dois tu pas
Selon ta volonté t’ordonner le trespas
Car ta vie apres DIEU est à la Republicque.


CLXVI.


Fauche, souvente-fois, la fuitte de la mort
Fait que nous y courons, comme cil qui de crainte
De se precipiter, s'eslance sans contrainte
Dans un abysme noir duquel il ne ressort.

Quant malgré lesperance en nos ames tient fort
La peur du mal futur, si vive en est l'attainte
Que chassant de nos ceurs toute constance enfrainte
Elle nous fait mourir de nostre propre effort.

Cela donc seul est fort qui sans frayeur aucune
Ne la pouvant fuit endure la fortune
Et la differe aussi la pouvant differer.

C'est lascheté de crainte ou de hair sa vie,
Mais combattre sans peur la fortune & l'envie
Cest l'un des grans honneurs ou l'on puisse aspirer.