Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/163

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CLXXXI.


De quoy lamentes tu pauvre homme abandonné
A tes meschans desirs est ce la conscience
Qui te ronge & remort devant la violence
Du trespas importun à chacun destiné ?

Je ne scay s'il y a viellart si fortuné
Que si le Tout-puissant luy donnoit la licence
De retourner encore en sa premiere enfance
Recommencant le cour à sa vie ordonné,

Qui voulut accepter une offre si peu ferme
Pour souffrir de nouveau jusqu'a la fin du terme
Tant de fascheus ennuis que nous touchons au doigt.

Cest donc estre par trop en ses desirs frivole
De craindre de laisser une chose si folle
Que tu refuserois si l'on te la rendoit.


CLXXXI.


Single depuis la France au royaume Turquesque,
De là va visiter les murs de Suntien,
Et des fiers Japponnois le royaume ancien,
Puis fais tourner la voile à la coste Moresque

Passe encore au de là de la mer Arabesque,
Et si tu n'es content du noir Egiptien,
Va remarquer les pors de l'empire Indien
Furettant les thresors de la gent barbaresque

Si tu treuve un seul homme affranchis de la mort
Par tout ou tu courras dis quelle te fait tort
D'aigrir contre toy seul sa vengente rancune :

Mais si tout homme est né pour choir au monument
Apprens à tout le moins à mourir constamment,
Moindre se fait le mal par la perte commune.