Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/165

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CLXXXV.


Quel bon-heur peut avoir celuy que la viellesse
Opprime de son fais, & qui sent toutefois
Malgré le cors pesant aggravé soous le pois,
La petulante chair sur sa raison maistresse ?

Celuy qui tant de fois dez sa tendre jeunesse
A combattu le monde, & debile & panthois
Mourant avant sa mort sous le joug de la crois
A reduit l'aiguillon de sa chair pecheresse

Quel bien peut il avoir, excepté seulement
Qu’il voit venir le tems ou dans le monument
Il doit finir en bref & sa vie & sa guerre ?

Mais quoy nous aimons tant de ces terrestres lieux
La sombre obscurité, que pour aller aux cyeux
Nous ne voudrions quitter le limon de la terre.


CLXXXVI.


J’accompare la vie à la guerre bourrelle
Sommes nous delivrez des hasars de dehors,
Nous sentons au dedans les passions du cors
Qui poussent à la mort nostre ame criminelle :

Un Sinon au dedans nous trahit & decelle
Quand les Grecs effrayez s’escartent de nos pors,
Et ne pouvons encore avecque mille effors
Esteindre les brasiers de la chair sensuelle.

Nous avons beau courir & par mons & par plains
Rien ne nous scauroit faire eschapper de ses mains
La mort seule est la paix d'une si longue guerre,

Qui separant l’esprit du cors sedicieus
Par l’indomtable coup du trespas gracieus
Le ciel au ciel redonne, & la terre à la terre.