Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/168

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CXCI.


Libres de passions si nous pouvions comprendre
Quelle sera la haut notre condition,
Lors que la mort commune à toute nation
Ce mortel tabernacle aura reduit en cendre :

Nous ensvirions l'oiseau du recourbé Meandre
Qui de soy mesme prend sa consolation,
Prevoyant de son cors la separation,
Et chante d'une vois delicatement tendre.

Mais dautant que nos yeux sont encore charnels,
Ils s'aveuglent aux rais des plaisirs eternels
Ne contemplans de DIEU les grandeurs souveraines.

De la vient que la peur à l'heure du trespas
S'empare de nos ceurs, parce qu'ils ne sont pas
Purifiez du tout des vanitez mondaines.


CXCII.


Pourquoy estimes tu homme bouffis d'audace
Qu'au plus haut lieu du chef sied l'ame & la raison
Sinon pour revoler vers la haute maison
Dont elle est descendue en ceste terre basse ?

Regarde je te prie en la cuisine grasse
Comme le feu sortant d'un enfumé tison,
Gaigne tousjours le haut roüant à flot grison
Contre le ciel courbé sa naturelle place.

Ton esprit est de feu qui ne peut longuement
Croupir ensevelis au charnel bastiment
Sans retourner au ciel dont il prend son essence.

Mais ingrat d'untel don tu preferes chetif
Au bien perpetuel le caducq & fuitif
Et le bannissement au lieu de ta naissance.