Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/169

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CXCIII.


Ce christal argentin qui lui par la nuit brune
Jusques à son plain rond peu à peu va croissant,
De là il diminue en corne finissant
Jusqu'il n'apparroit plus aucun trait de la lune :

Ainsi deux fois le jour le monstrueus Neptune
Va jusqu'au lieu plus haut son flot elargissant
A petite estendue, & se retroiscissant
Il rentre peu à peu en sa rive commune.

Telle est la loy de DIEU que tout ce qui naistroit
Jusqu'au dernier degré de sa grendeur croistroit,
Et puis en descroissant cherroit en decadence.

Ainsi en prend à l'homme auquel communement
S'exercent les effets de tant de changement
Qui croit en descroissant & meurt de sa naissance.


CXCIIII.


L'enfance est aux humains le matin de leur jour
Le Prin-temps de leur an l'amoureuse Jouvence,
Et la virilité qui suit l'adolescence
Le mydi & l'esté si dous à son retour.

La vieillesse contraire aux esbas de l'amour
Du vespre & de l'Automne a pris sa ressemblance,
La mort de nos forfais rigoureuse vengence
Est la nuit & l'hyver qui nous gelle à son tour.

O DIEU tu as prefis le terme de nostre àge
Qu'on n'outre-passe point & si l'homme volage
Dont le soufle & la vie à ses narines pend,

Ne considérant pas que le frivole nombre
De ses jours passagers devant toy n'est qu'une ombre
Pensant vivre toujours jamais ne se repend.