Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/193

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CCXVII.


CE QUI sembloit naguere indissoluble & fort
Tombe soudainement d'une chute mal-seure,
Et la gloire reside à grand peine un quart d'heure
Sans experimenter les changemens du sort :

Tout pend à un filet, rompant au moindre effort
Du tems injurieux, jusqu'à tant que l'on meure
Richesse ny vertu en seurté ne demeure,
Et le mieus erresté a besoing de support.

Mais si tost que l'esprit de nos cœurs se retire,
De nous se voit au vray le meilleur ou le pire
Lors nous sommes tenus heureus ou mal-heureus.

Je te rens grace, o mort, car si tu nous retire
Tu fais que le meschant d'avantage n'empire,
Et delivres les bons des perils dangereux.


CCXVIII.


NOSTRE vie est un jeu, ou si le Dé soudain
Sur le tablier ne roule en favorable chance,
Et le discret joueur les tablettes n'agence
Selon l'ordre des poins, il se travaille en vain.

Or ny l'evenement ny le sort incertain
Du Dé avantureus, n'est en nostre puissance
Mais user de la chance, & par meure prudence
Obvier à sa perte, & confirmer le gain :

Disposant chacque chose au lieu ou elle puisse
Porter plus de proffit & peu de prejudice
Soit utile ou mauvaise est en nostre pouvoir.

Il nous est bien donné de tenir en la sorte
Nos desirs refrenez que rien ne nous transporte
Mais ce que la mort donne il le faut recevoir.