Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CCLXIX.


VOYANT journellement tant de peuple atterré
Du sanguinaire effort de la mort implacable,
Considerois tu point povre homme miserable
Que tu serois un jour comme un autre enterré ?

Pauvre homme miserable as tu bien tant erré
Voyant de tes voysins la mort espouvantable,
D'estimer que le fil de ton àge muable
Ne seroit par la mort au tombeau referré ?

Pauvre homme miserable il vaut bien mieus tost suivre
La mort avec honneur que de longuement vivre
En honte & deshonneur des vices surmonté

Que si tu crains la mort, la mort n'est autre chose
Qu'une trape ou un huis, dont la boutique est close
Ou se vend le mal-heur de ce monde effronté.


CCL.


A CESTE heure, vieillart, que ton fresle cousteau
Est rompu & cassé, que ta fleur est fenee,
Ton habit consumé, ta poitrine clinee,
Ta machoire edentee, emoussé ton marteau :

Pourquoy desires tu retourner de nouveau
Retordre le filet de ta prime journee,
Et ja pres de sortir de la mer mutinee,
Te rendre à la merci d'un fragile bateau ?

Suffit-il pas d'attaindre en ceste mort vivante
Cinquante ou soixante ans, moins la vie est plaisante
Plus de leurs derniers jours nos jours vont s'approchans

Il vaut bien mieux pour toy, estant bon, que tu meure
Avecque tant de bons, que vivant tu demeure
En ce monde pervers entre tant de meschans.