Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CCLIV.


Les penibles Nochers desmarant du rivage
Arborisent joyeus sur le mat des vaisseaus
Avec les estendars, leurs bouffans pannonceaus,
Et commencet en ris leur fuctueus voyage

Mais si mal asseuré de l'art de navigage
Ils heurent contre un roc caché dessous les eaus
Voyant aller leur nave en briques & morceaus
La peur incontinant leur pallit le visage :

Ainsi font les Payens à la nativité
De l'enfant désiré, mais tout est vanité
Puisque soudainement il se muert & trespasse

Lors le rit se termine en complainte & douleur
Florissant au matin comme une belle fleur
Qui le soir approchant se ternit & s'efface.


CCLXVI.


A beaucoup de danger est sujette la fleur,
Ou l'on la foule aux piez ou les vents la ternissent,
Les rayons du soleil la brulent & rotissent,
La beste la devore, et s'efeuille en verdeur :

Nos jours entremeslez de regret & de pleur
A la fleur comparez comme la fleur fleurissent,
Tombent comme la fleur, comme la fleur perissent,
Autant comme du froid tourmentez de l'ardeur.

Non de fer ny de plomb, mais d'odorantes pommes
Le vaisseau va chargé, ainsi les jours des hommes
Sont legers non pesants, variables & vains

Qui, laissant après eus d'un peu de renommee
L'odeur en moins de rien comme fruit consommee,
Passent legerement hors du ceur des humains.