Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/299

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CCCXV.


Remarque comme va le moulin balancant,
Et voy comme sa roue incessament emue
De la roideur des flos sans cesse se remue
Fracassant de son tour le froment jaunissant :

Quelle s'aille à la fin agitant & poussant
Tout comme elle voudra à la nuit destandue
Si se treuvera elle au lieu mesme rendue
Quelle estoit au matin son labeur commencant

Tu peus bien travailler courant la terre & l'onde
Afin de t'enrichir : comme tu vins au monde
En la mesme facon tu t'en retourneras :

Et si la soif de l'or les entrailles te serre
Pense que comme nu tu naquis sur la terre
Que de la terre nu en bref tu sortiras.


CCCXVI.


Les ours pour se deffendre ont des pattes cruelles
Le cerf pour se sauver est leger & soudain
Pour combattre a des dens le sanglier inhumain
Les oiseaus buissonniers pour voler ont des ailes :

L'homme seul est privé de commoditez telles
Empruntant tout d'autruy & s'il ne peut hautain
Perdre de son orgueuil le superbe dedain
Luy mesme outre-passant ses forces naturelles

En ce vague univers ne se treuve animal
Tant indigent que l'homme instrument à tout mal
Qui vivre et vestement de lours brutaus mendie

Voire en ce mesme tems qu'il s'estime plus sain
Asservis à la soif & sujet à la faim
Il ne peut s'exempter de telle maladie.