Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/385

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CCCCXXXI.


Soit que je meure tost ou que beaucoup je vive
A ton vouloir, Seigneur, je me veus conformer
Et mon ceur & mes yeus tellement reformer
Que j'en rendray ma chair a pecher plus tardive :

Puisque le ciel en moy contre la terre estrive
Je me veus de ma vie à ma vie informer,
Et de telle façon mes jeunes ans former
Que mon ame aus enfers ne demeure captive.

Toujours je tiendray l'œil contre terre abaissé,
Le penser eslevé & le ceur adressé
Sur l'effet de ta mort de la mort triomphante

Lors ta crois me fera comme la crois d'airain
Dont l'object precieus du serpent inhumain
Guairissoit aus desers la morsure sanglante.


CCCCXXXII.


Allez appas pipeurs, allez plaisirs mondains
Allez esbas lascifs, allez folles blandices
Allez jeus importuns, allez vaines delices,
Je n'ay que trop gousté vos dous aigres dedains :

Maintenant je concois de plus chastes desseins,
Et m'estant retire de l'escole des vices
J'embrasse ore les loys & suis les exercices
Que le Pere eternel ordonne aus hommes sains

Je te suis, ô mon Dieu, sonne doncque l'alarme
Sonne quant tu voudras, & comme un bon gendarme
Je combattray la mort dessous ton estandart

Tu es mort le premier & si la mort m'enmeine
C'est le but ou je tens, qui de son capitaine
Suit l'enseigne à regret, est un lasche soldart.