CCCCXXXIII.
Puisqu'il faut que je meure, ô Dieu je te reclame
En ceste extremité veuille moy secourir,
Et fais tous mes pechez auparavant mourir
Que l'implacable mort me jette sous la lame :
Ces fols plaisirs mondains qui decoivent nostre ame
De leurs appas trompeurs & nous font encourir
Une eternelle mort, nous les voyons perir
Comme la neige fond au milieu de la flame
La vertu seule au monde est un plaisir certain
Perdurable, immortel perpepuel et plein
Que la mort ny le sort ny le temps ne surmonte
Si l'on tasche à fletrir son lustre nompareil
C'est comme une nuee opposee au soleil
Qui la clarté du jour aucunement ne domte.
CCCCXXXIIII.
Me voila prest, Seigneur, commande il sera fait
Et m'envoyant d'en haut une force asseuree
Pour endurer le coup de la mort conjuree
Parfais en ton amour mon esprit imparfait
Laslie me reconnois de tant de vice infet
Que si tu n'as pitié de mon ame esploree
Le ravissant enfer en prendra sa curee
Vengeant par le trespas mon inique forfait
Tens moy la main, Seigneur, & malgré les delices
Du monde empoisonné de tant d'enormes vices
Attire à toy mon ame & m'imprimant ta loy
Au plus profond du ceur, octroye moy la grace
Après le dernier jour, de te voir face à face
Et tant que je vivray par les yeus de la foy.