Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/41

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XXVII.


Rens grace à Dieu, mortel, si jeune tu es mort
Comme le marinier qui sur l'onde muable
Ayant le vent en pouppe, entre au port agreable,
Appendant à Neptun ses tablettes au bord :

Viellart de la mort blesme endures tu l'effort ?
Pense si tu as eu le vent moins favorable,
Que tu n'auras souffert tant de vague effroyable,
L'un tost, & l'autre tard arrive dans le port :

Mais ne presumes point d'avancer ta carriere,
Ou comme il te plaira te tirer en arriere,
La conduite du vent n'est pas en ton pouvoir :

Au lieu de retourner dans le cave rivage
Tu ferois sur les eaus un perilleus nauffrage,
Nostre heure ne se peut alterer ou mouvoir.


XXVIII.


Dieu en exerce l'un jusqu'au sueur premiere,
L'autre il haste au Soleil, le desseiche, & le cuit
Depuis le point du jour, jusqu'au tems de la nuit,
Mais jamais un des siens il ne laisse en arriere :

Il les ameine tous en la maison derniere,
La maison de repos, & la selon le fruit
Que leur ame equitable en ce cors à produit
Il les fait à jamais les enfans de lumiere.

Qui laisse la besougne avant le jour complet
Du terme limité, ou bien quant il luy plait
L'importune, & le prie, il pert sa recompense :

C'est à luy quant il veut de nous tirer dehors,
Ou nous laisser croupir plus long tems en ce cors,
Selon sa volonté de nos jours il dispense.