Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/48

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XLI.


Qu’est-ce que d’estre mort ? que n'estre plus au monde,
Avant que naistre au monde, enduries vous douleur
Ne point naistre en ce monde est ce quelque mal-heur ?
La mort, & le sommeil marchant en mesme ronde :

De la mer de nos maus la tempestueuse onde
Du dormant, & du mort ne peut alterer l'heur,
Le dormant, & le mort n'ont un repos meilleur
Sinon quant le sommeil, ou la mort leur redonde :

La vie est celle la qui nous met en tourment,
Et la mort du peril nous tire au sauvement,
Mais nous la diffamons seulement par envie :

Accusons la saison ou nous n'estions pas nez
Des tourments espineus dont nous sommes geinez,
Et diray que la mort est pire que la vie.


XLII.


Il y à me dis-tu, de la peine à mourir,
Il y à bien du mal à curer un ulcere :
Mais telle est du destin l'ordonnance severe
Qu'il faut avec douleur aus douleurs secourir :

Un mal se veut tousjours par un autre guarir,
A l'enflure est requis le glaive, & le cautere,
Le bien mondain s'acquiert par travail, & misere,
Et le moindre accident le nous fait encherir :

Mais bien que tel passage ait quelque mal-encontre,
Si ne doit on pourtant, quant on vient eu rencontre
Le passer en tramblant d'un courage douteus ;

Abouche un marinier qui pratique sur l'onde,
Tu verras s'il te dit qu'il y ait port au monde
Qui n'ait l'acces estroit, difficile, & fascheus.