Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/68

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LXXXI.


Afin que de ton ceur toute peur fust ostee
Jesus paravant toy voulut mort encourir,
Et fist que, toy mourant, tu ne pourrois mourir
Tant sa mort a le mord de la mort surmontee

La mort n'est plus sinon une nouvelle entree,
Une porte, & un port, ou l'on doit accourir
D'un courage asseuré, quant on veut acquerir
Du royaume Eternel la celeste contree :

Aussi bien dans ce cors comme dans un tison
Le feu claire & languit, l'ame vit en prison
Ne pouvant regaigner sa liberté premiere

Si ce n'est par la mort, qui de l'obscurité
Du gouffre tenebreuys de nostre humanité
La pousse à voir de DIEU la divine lumiere.


LXXXII.


Quant tu coules, et fons en plaisir, et richesse
D'ou pourrois je scavoir de quelle fermeté
Tu soustiendrois la peine, ou bien la pauvreté
Qui la maigre famille eternellemebt presse ?

Quand du peuple insconstant, la faveur tromperesse
Te sourit, t'applaudit, te suit de tout costé :
D'où pourrais je scavoir de quelle majesté
Tu voudrois rebouscher sa haine, & sa rudesse ?

Nostre calamité est une occasion
D'exercer la vertu, & la division
Et de l'ame & du cors demonstre quel nous sommes.

Le meschant ne scauroit mourir honnestement,
Ny le juste finir ses jours honteusement,
Communement la mort est le juge des hommes.