Page:Chassignet - Le mespris de la vie et consolation contre la mort, 1594.djvu/71

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LXXXVII.


Comme la roüille au fer, la pourriture au bois
S'engendre & se nourrit, à toute chose nee
Regne, Empire, Cité, la cause est ordonnee
De trespasser un jour, & finir quelque-fois

Ce que de grand, de beau, & de riche tu vois
Endure de tout tems sa fin determinee,
Et courra en tout tems à sa mort destinee
Poussant au mesme but les Princes, & les Roys.

Comme de tout costé les profondes rivieres
Vont coulant, & roulant dans les eaus marinieres
Ainsi par le canal de tant de changement

Coulent au dernier point les choses de ce monde,
Mais ce terme dernier, est la mort vagabonde
Qui par divers moyens nous jette au monument.


LXXXVIII.


Comme on voit le vaisseau vuide de tout bagage
Voguant douteusement, ore venir à bord
Ore d'un trait leger se retirer du port,
Flottant, & chancellant au vouloir de l'orage :

Ainsi ceus qui durant la trame de leur àge
Ignares n'ont preveus à l'heure de la mort,
Le tems estant venu d'en ressentir l'effort
Fremissent inconstans, comme feuille volage :

Le coup preveu de loing n'a pas tant de vigueur,
Et le frequent penser nous renforce le ceur
Quant le mal-heur preveu succede à la pensee :

Celuy meurt tousjours bien, qui vit comme mortel
Mais du sot ehonte qui ne s'estime tel
La fin est vergougneuse, & la mort insensee.