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rection, j’étais au club de la rue du Bœuf qui était en séance ordinaire, lorsqu’on vint nous annoncer la dépêche télégraphique annonçant le changement de gouvernement ; je sortis avec trois ou quatre autres personnes pour aller m’informer de cette dépêche, en prendre un exemplaire et en rendre compte au club. Lorsque je revins, le club venait de se fermer, et l’on me dit que, vu les circonstances, il tiendrait le lendemain séance tout le jour, depuis sept heures du matin.

Le lendemain 15 juin, je sortis de chez moi sur les onze heures et demie seulement, parce que j’avais été retenu par une affaire dont je peux justifier, ce qui, en passant, prouve que je ne m’occupais pas de conspirer, et j’allais au club pour savoir ce qui s’y passait. Mais en m’y rendant, je rencontrai une personne probablement du club et qui me connaissait quoique je ne la connus pas ; laquelle me dit que le club ne tenait pas séance. Après quelques paroles vagues échangées, je lui demandais s’il avait vu le citoyen Chol, président du club ; cette personne me répondit que je le trouverais dans un cabaret, place du Petit-Collége. J’arrive à la question que vous m’avez posée. Il est très vrai que je me suis rendu dans ce cabaret, mais M. Chol n’y était pas, et je n’y suis pas demeuré. Plus tard j’y suis retourné, il pouvait être quatre heures environ sans pouvoir préciser, je trouvai alors M. Chol et je causai avec lui dix minutes ou un quart-d’heure tout au plus. Il ne savait rien et ne put rien m’apprendre. Dans ces deux fois j’ai vu des gens qui buvaient et mangeaient, mais ce n’était pas un club, car, du moins en ma présence, aucun discours n’a été prononcé.

Demande. — Avez-vous vu des militaires dans ce cabaret ? On vous accuse d’avoir favorisé l’évasion de ces militaires ?

Réponse. — Non Monsieur ; mais je vous le répète, je n’ai fait que causer un moment avec M. Chol et je ne me suis pas occupé des autres personnes qui buvaient et mangeaient, et que je n’ai pas reconnu pour être des membres habituels du club, parce que j’ai mauvaise vue et il me faut regarder de très près pour reconnaitre quelqu’un. Je n’ai, du reste, connu l’évasion de militaires dont vous me parlez que le dimanche, je n’ai donc pu y coopérer en aucune façon ; vous voyez d’ailleurs, monsieur, que physiquement je ne l’aurais pas pu lors même que je l’aurais voulu ; et cela n’entre ni dans mes idées ni dans ma manière d’agir habituelle.

Demande. — Je répugne à la question que je vais vous poser, mais elle résulte du procès-verbal : L’opinion publique vous accuse d’avoir dit qu’il fallait mettre une guillotine à chaque rue pour guillotiner tous les blancs et les prêtres.

Réponse. — En effet, Monsieur, il répugne à un honnête homme de poser comme de répondre à une semblable question, car un pareil propos ne peut sortir que d’un énergumène ivre. Mon éducation, ma profession ne permettent pas de supposer que cela puisse être vrai. D’ailleurs qui dit l’opinion publique dit tout le monde et personne ; c’est très adroit de la part de mon dénonciateur ; mais je puis répondre péremptoirement ; d’abord par mes écrits, car j’ai imprimé que la démocratie ne triompherait que par son alliance intime avec la religion, ensuite par mes actes ; je suis le seul dans la presse lyonnaise qui, en mars 1848, ait pris la défense du cardinal de Bonald, outragé personnellement par un petit journal de cette époque, la République.

Là se borna mon interrogatoire, et M. de Fabrias qui y avait procédé avec toute la courtoisie possible me dit ces mots : « Je ne vois aucune charge contre vous, et je vous mettrais en liberté si vous ne figuriez pas dans un autre dossier, mais vous pouvez m’a-