la puissance législative dans un parlement et dans un protecteur . Il y était statué que les membres de ce parlement seraient choisis par le peuple ; qu'ils siégeraient tous les ans cinq mois, selon le bon plaisir du protecteur ; que le protecteur aurait le veto suspensif, qu'il nommerait à tous les emplois civils et militaires ; que dans l'intervalle des sessions la nation serait gouvernée par le protecteur et par un conseil composé de vingt-et-un membres au plus, de treize au moins.
On supplia Cromwell d'accepter le protectorat : il se rendit gracieusement aux voeux de ses peuples. Le maire et les aldermen de Londres furent requis de se trouver à une parade d'installation à la salle de Westminster. Le Protecteur prêta serment à l' instrument de gouvernement, qui était son oeuvre. Le général Lambert, un genou en terre, lui présenta une épée dans le fourreau ; les commissaires lui remirent les sceaux ; le maire de Londres lui donna une épée nue, et le sujet des Stuarts alla, monarque absolu des trois royaumes, coucher dans le palais du roi qu'il avait assassiné.
Le premier parlement convoqué par Cromwell ne répondit pas à son attente : il s'y manifesta un esprit de liberté que l'oppression militaire n'avait pu étouffer. En vain le Protecteur, à l'ouverture de ce parlement, parla des excès de cette liberté, déclama contre ce qui lui avait donné la puissance, les agitateurs, les niveleurs, les millénaires et les diverses autres sectes ; en vain il s'éleva contre une égalité chimérique, et loua la division des classes en nobles, gentilshommes et bourgeois : son discours était raisonnable au fond, d'accord même avec l'opinion nationale, encore arrêtée aux principes de l'ancienne société ; mais ce n'était pas là la question pour les communes. Elles ne s'occupèrent que du pouvoir du Protecteur et de la mauvaise origine de ce pouvoir. Le parlement ne voyait pas qu'il était tout aussi illégitime que le protectorat ; l'un et l'autre n'existaient qu'en vertu d'une prétendue constitution faite par qui n'avait pas eu droit de la faire.
Cromwell en péril n'hésita pas : violer la représentation nationale était devenu depuis l'épuration du long parlement une sorte de jurisprudence politique. Le Protecteur plaça des gardes à la porte de Westminster ; ils avaient ordre de ne laisser entrer que les députés consentant à souscrire un engagement en vertu duquel ils reconnaîtraient l'autorité du parlement et d'un seul . Cent trente membres signèrent tout d'abord ; plusieurs autres membres s'empressèrent ensuite d'imiter la turpitude de leurs collègues. Rien n'est plus rempli d'émulation que la bassesse : il y a des espèces de vils héros que les succès de la lâcheté empêchent de dormir.