Cromwell, devenu Protecteur, prit le titre d'Altesse. Des médailles furent frappées en son honneur ; l'une le représentait en buste avec cette inscription Oliverius, Dei gratia, Reipublicae Angliae, Scotiae et Hiberniae Protector ; au revers était l'écusson d'Angleterre ; autour on lisait ces mots gravés depuis sur les monnaies du temps : Pax quaeritur bello . D'autres médailles offrent un grand olivier, à l'ombre duquel s'élèvent deux petits oliviers, symbole du Protecteur et de ses deux fils. L'inscription porte : Non déficient olivarii . La flatterie ne parlait pas aussi bien latin qu'au temps de Tibère.
Lorsque les officiers vinrent complimenter Cromwell sur sa modestie à n'avoir accepté que le titre de Protecteur, il porta la main à son épée : « Elle m'a élevé, leur dit-il ; si je veux monter plus haut, elle me maintiendra au rang qu'il me plaira d'occuper. »
Quelles que soient néanmoins la pusillanimité des hommes et la crainte du pouvoir, il est impossible d'éteindre dans une assemblée délibérante tout principe vital. Les membres des communes, malgré leur engagement signé, tout en examinant avec modération l' instrument de gouvernement, se réservèrent la nomination du successeur de Cromwell ; ils rejetèrent le principe du protectorat héréditaire, à la majorité de deux cents voix contre soixante.
Les cinq mois de la session expirés, Cromwell rassembla le parlement (22 janvier 1655) dans la chambre peinte . Il se répandit en outrages, traita les députés de parricides pour lui avoir contesté son autorité, à lui régicide ; il leur déclara que si la république devait souffrir, meilleur était qu'elle fût dépendante des riches que des pauvres, qui, selon Salomon, lorsqu'ils oppriment, ne laissent rien après eux. Cromwell avait été blessé de la discussion relative à l'hérédité du protectorat : il voulait dissimuler sur ce point ; mais entraîné, comme le sont tous les hommes, à parler de la chose même où il se sentait faible, contre le protectorat héréditaire, laissant par là aux principaux officiers, et particulièrement au major général Lambert, l'espoir de lui succéder.
Le parlement dissous, Cromwell en convoqua un autre pour lever, disait-il, l'argent nécessaire au service de l'armée et de la flotte, pour confirmer l' instrument de gouvernement, et enfin pour légaliser l'autorité des majors généraux . Ces majors étaient des commissaires militaires, chargés de lever sur les biens des royalistes, à cause de quelques mouvements insurrectionnels, une contribution arbitraire d'un dixième de la valeur de ces biens. Cromwell corrompit autant qu'il le put les élections, et cassa celles qui lui étaient le moins favorables.
De tout cela sortit enfin un parlement qui, sous le nom d' humble