Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 3.djvu/556

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II

LA FORÊT


Forêt silencieuse, aimable solitude,
Que j’aime à parcourir votre ombrage ignoré !
Dans vos sombres détours, en rêvant égaré.
J’éprouve un sentiment libre d’inquiétude !
Prestige de mon cœur ! je crois voir s’exhaler
Des arbres, des gazons, une douce tristesse :
Cette onde que j’entends murmure avec mollesse,
Et dans le fond des bois semble encor m’appeler.
Oh ! que ne puis-je, heureux, passer ma vie entière
Ici, loin des humains ! — Au bruit de ces ruisseaux.
Sur un tapis de fleurs, sur l’herbe printanière.
Qu’ignoré je sommeille à l’ombre des ormeaux !
Tout parle, tout me plaît sous ces voûtes tranquilles s
Ces genêts, ornements d’un sauvage réduit.
Ce chèvrefeuille atteint d’un vent léger qui fuit.
Balancent tour à tour leurs guirlandes mobiles.
Forêts, dans vos abris gardez mes vœux offerts !
À quel amant jamais serez-vous aussi chères ?
D’autres vous rediront des amours étrangères ;
Moi de vos charmes seuls j’entretiens vos déserts[1].


III.

LE SOIR, AU BORD DE LA MER.


Les bois épais, les sirtes mornes, nues.
Mêlent leurs bords dans les ombres chenues.
En scintillant dans le zénith d’azur.
On voit percer l’étoile solitaire :
À l’occident, séparé de la terre,

  1. Vers imprimés dans le Mercure. Voyez la Préface.