Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 3.djvu/557

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L’écueil blanchit sous un horizon pur,
Tandis qu’au nord, sur les mers cristallines,
Flotte la nue en vapeurs purpurines.
D’un carmin vif les monts sont dessinés ;
Du vent du soir se meurt la voix plaintive ;
Et, mollement l’un à l’autre enchaînés,
Les flots calmés expirent sur la rive.
Tout est grandeur, pompe, mystère, amour :
Et la nature, aux derniers feux du jour,
Avec ses monts, ses forêts magnifiques,
Son plan sublime et son ordre éternel,
S’élève ainsi qu’un temple solennel,
Resplendissant de ses beautés antiques.
Le sanctuaire où le Dieu s’introduit
Semble voilé par une sainte nuit ;
Mais dans les airs la coupole hardie,
Des arts divins, gracieuse harmonie,
Offre un contour peint des fraîches couleurs
De l’arc-en-ciel, de l’aurore et des fleurs.


IV.

LE SOIR, DANS UNE VALLÉE.


Déjà le soir de sa vapeur bleuâtre
Enveloppoit les champs silencieux ;
Par le nuage étoient voilés les cieux :
Je m’avançois vers la pierre grisâtre.

Du haut d’un mont une onde rugissant
S’élançoit : sous de larges sycomores,
Dans ce désert d’un calme menaçant,
Rouloient des flots agités et sonores.
Le noir torrent, redoublant de vigueur,
Entroit fougueux dans la forêt obscure
De ces sapins, au port plein de langueur,
Qui, négligés comme dans la douleur,