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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/198

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Le prêtre d’Homère poussant des sanglots, et pressant dans sa main sa barbe vénérable, échappe aux caresses de sa fille. Il va seul errer autour de la demeure de Lasthénès, et demander conseil aux dieux sur la montagne : tel autrefois l’aigle des Alpes s’envoloit au milieu des nuées pendant un orage, et, noble augure des destinées romaines, alloit apprendre, au sein de la foudre, les desseins cachés du ciel. À la vue de tous ces sommets de l’Arcadie, marqués par le culte de quelque divinité, Démodocus verse des larmes, et la superstition est prête à l’emporter dans son cœur. Mais comment refuser Eudore à l’amour de Cymodocée ? Comment rendre sa fille éternellement malheureuse ? Dieu, qui poursuit ses desseins, achève de subjuguer Démodocus, et fait servir à la gloire de ses futurs élus la foiblesse paternelle. Par un effet de sa puissance, il termine les incertitudes du prêtre d’Homère ; il dissipe ses craintes, il lui présente le mariage de Cymodocée et d’Eudore sous les auspices les plus prospères. Démodocus rentre aux foyers de Lasthénès ; il retrouve sa fille affligée ; il s’écrie :

« Ne pleure point, ô vierge digne de toutes les prospérités ! Que jamais Démodocus ne coûte une larme à des yeux qu’il chérit plus que la lumière du jour ! Deviens l’épouse d’Eudore, et puisse seulement ton nouveau Dieu ne t’arracher jamais à ton père ! »

Eudore, dans ce moment même, révéloit pareillement à Lasthénès le secret de son cœur.

« Mon fils, dit l’époux de Séphora, que Cymodocée soit chrétienne ! Apportez-lui le royaume du ciel en héritage, et souvenez-vous d’être complaisant envers votre épouse. »

Eudore, pressé par l’ange des saintes amours, vole auprès de Démodocus. Il croyoit trouver seul le prêtre d’Homère : il voit la fille et le père dans les bras l’un de l’autre. Il ne sait si son sort est décidé : il s’arrête. Démodocus l’aperçoit.

« Voilà ton épouse ! » s’écrie-t-il.

Des larmes d’attendrissement étouffent la voix du vieillard. Eudore se précipite aux pieds de son nouveau père, et tient en même temps embrassés les genoux de Cymodocée. Lasthénès, son épouse et ses filles, surviennent alors. Les jeunes chrétiennes se jettent au cou de la prêtresse des Muses. Elles la comblent de caresses, elles l’appellent deux fois leur sœur, et comme servante de Jésus-Christ et comme épouse de leur frère.

Cyrille fut choisi d’un commun accord pour répandre les premières semences de la foi dans le cœur de la future catéchumène. Les deux familles résolurent de se rendre à Sparte, afin que le saint évêque pût multiplier ses leçons et hâter l’hymen de Cymodocée.