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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/221

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Minerve et les Propylées ; la ville s’étendoit à sa base, et laissoit voir les colonnes confuses de mille autres monuments. Le mont Hymette faisoit le fond du tableau, et un bois d’oliviers servoit de ceinture à la cité de Minerve.

Eudore traverse le Céphise, qui coule dans ce bois sacré ; il demande la route des jardins d’Acadème : des tombeaux lui tracent le chemin de cette retraite de la philosophie. Il reconnoît les pierres funèbres de Thrasybule, de Conon, de Timothée ; il salue les sépulcres de ces jeunes hommes, morts pour la patrie dans la guerre du Péloponèse ; Périclès, qui compara Athènes privée de sa jeunesse à l’année dépouillée de son printemps, repose lui-même au milieu de ces fleurs moissonnées.

La statue de l’Amour annonce au fils de Lasthénès l’entrée des jardins de Platon. Adrien, en rendant à l’Académie son ancienne splendeur, n’avoit fait qu’ouvrir un asile aux songes de l’esprit humain. Quiconque étoit parvenu au grade de sophiste sembloit avoir acquis le privilége de l’insolence et de l’erreur. Le cynique, à peine couvert d’une petite chlamyde sale et déchirée, insultoit, avec son bâton et sa besace, au platonicien enveloppé dans un large manteau de pourpre ; le stoïcien, vêtu d’une longue robe noire, déclaroit la guerre à l’épicurien couronné de fleurs. De toutes parts retentissoient les cris de l’école, que les Athéniens appeloient le chant des cygnes et des sirènes ; et les promenades qu’avoit immortalisées un génie divin étoient abandonnées aux plus imposteurs comme aux plus inutiles des hommes.

Eudore cherchoit dans ces lieux le premier oflficier du palais de l’empereur : il ne se put défendre d’un mouvement de mépris lorsqu’il traversa les groupes des sophistes, qui le prenoient pour un adepte ; désirant l’attirer à leurs systèmes, ils lui proposoient la sagesse dans le langage de la folie. Il pénètre enfin jusqu’à Dorothée : ce vertueux chrétien se promenoit au fond d’une allée de platanes que bordoit un canal limpide ; il étoit environné d’une troupe de jeunes gens déjà célèbres par leurs talents ou par leur naissance. On remarquoit auprès de lui Grégoire de Nazianze, animé d’un souffle poétique ; Jean, nouveau Démosthène, que son éloquence prématurée avoit fait nommer Bouche d’Or ; Basile, et Grégoire de Nysse, son frère : ceux-ci montroient un penchant décidé vers la religion qu’avoient professée Justin le Philosophe et Denys l’Aréopagite. Julien, au contraire, neveu de Constantin, s’attachoit à Lampridius, ennemi déclaré du culte évangélique : des habitudes bizarres et des mouvements convulsifs déceloient dans le jeune prince une sorte de dérèglement de l’esprit et du cœur.

Dorothée eut quelque peine à reconnoître Eudore : le visage du fils