Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Lasthénès avoit pris cette beauté mâle que donnent le métier des armes et l’exercice des vertus. Ils se retirèrent à l’écart, et Dorothée ouvrit son cœur à l’ami de Constantin.

« J’ai quitté Rome, lui dit-il, à l’arrivée de votre messager. Le mal est encore plus grand que vous ne le croyez peut-être. Galérius l’emporte, et tôt ou tard Dioclétien sera obligé d’abdiquer la pourpre. On veut perdre d’abord les chrétiens, afin d’ôter à l’empereur son premier appui : c’est l’ancien projet d’Hiéroclès, aujourd’hui tout-puissant auprès de César. Celui-ci répète sans cesse que le dénombrement ordonné, en découvrant une multitude effrayante d’ennemis des dieux, a révélé le danger de l’empire ; qu’il faut en venir aux mesures les plus sévères pour réprimer une secte qui menace les autels de la patrie. Pour moi, presque tombé dans la disgrâce de Dioclétien, vous savez quel sujet me conduit en Syrie. Eudore, nos frères malheureux tournent les yeux vers vous. La gloire que vous vous êtes acquise dans les armes et surtout votre repentir éclatant sont l’objet de l’admiration et des discours de tous les fidèles. Le souverain pontife vous attend ; Constantin vous appelle. Ce prince, environné de délateurs, se soutient à peine à la cour ; il a besoin d’un ami tel que vous, qui puisse l’aider de ses conseils et, s’il le faut, le servir de son bras. »

Eudore raconte à son tour à Dorothée les événements qui s’étoient passés dans la Grèce. Dorothée s’engage avec joie à conduire vers Hélène l’épouse du fils de Lasthénès. Une galère napolitaine, prête à retourner en Italie, se trouvoit au port de Phalère, non loin du vaisseau de Dorothée : Eudore la retient pour son passage. Les deux voyageurs fixent ensuite le moment du départ au troisième jour de la fête des Panathénées. Démodocus arriva pour cette époque fatale avec la triste Cymodocée ; il alla cacher ses pleurs dans la citadelle, où le plus ancien des prytanes, son parent et son ami, lui donna l’hospitalité.

Le fils de Lasthénès avoit été reçu par le docte Piste, évêque d’Athènes, qui brilla depuis dans ce concile de Nicée où l’on vit trois prélats ayant le don des miracles et ressuscitant les morts, quarante évêques confesseurs ou martyrs, des prêtres savants, des philosophes même, enfin les plus grands caractères, les plus beaux génies et les hommes les plus vertueux de l’Église.

La veille de la double séparation du père et de la fille, de l’épouse et de l’époux, Eudore fit savoir à Cymodocée que tout étoit prêt et que le lendemain, vers le coucher du soleil, il iroit la chercher sous le portique du temple de Minerve.

Le jour fatal arrive : le fils de Lasthénès sort de sa demeure ; il passe devant l’Aréopage, où le Dieu que Paul annonça n’étoit plus inconnu ;