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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/23

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« Il y a, dit-il, de l’agrément dans ce livre, et une imitation de l’Odyssée que j’approuve fort. L’avidité avec laquelle on le lit fait bien voir que, si l’on traduisoit Homère en beaux mots, il feroit l’effet qu’il doit faire et qu’il a toujours fait… Le Mentor du Télémaque dit de fort bonnes choses, quoique un peu hardies, et enfin M. de Cambrai me paroît beaucoup meilleur poète que théologien[1]. »

Dix-huit mois après la mort de Fénelon, Louis de Sacy, donnant son approbation à une édition du Télémaque, appelle cet ouvrage un poème épique, quoique en prose.

Ramsay lui donne le même nom.

L’abbé de Chanterac, cet ami intime de Fénelon, écrivant au cardinal Gabrieli, s’exprime de la sorte :

« Notre prélat avait autrefois composé cet ouvrage (le Télémaque) en suivant le même plan qu’Homère dans son Iliade et son Odyssée, ou Virgile dans son Énéide. Ce livre pourroit être regardé comme un poëme : il n’y manque que le rhythme. L’auteur avoit voulu lui donner le charme et l’harmonie du style poétique[2]. »

Enfin, écoutons Fénelon lui-même :

« Pour Télémaque, c’est une narration fabuleuse en forme de poëme héroïque, comme ceux d’Homère et de Virgile[3]. »

Voilà qui est formel[4].

  1. Lettres de Boileau et de Brossette, t. I, p. 46.
  2. Histoire de Fénelon, par M. de Beausset, t. II, p. 194.
  3. Id., p. 196, Manuscrits de Fénelon.
  4. À ces autorités je joindrai ici celle de Blair : elle n’est pas sans appel pour des François, mais elle constate l’opinion des étrangers sur le Télémaque ; elle est d’un très-grand poids dans tout ce qui concerne la littérature ancienne, et enfin le docteur Blair est de tous les critiques anglois celui qui se rapproche le plus de notre goût et de nos jugements littéraires.

    « In reviewing the epic poets, it were unjust to make no mention of the amiable author of the Adventures of Telemachus. His work, though not composed in verse, is justly entitled to be held a poem. The measured poetical prose in which it is written, is remarkably harmonious, and gives the style nearly as much elevation as the french language is capable of supporting, even in regular verses. »

    « En passant en revue les poëtes épiques, il seroit injuste de ne pas faire mention de l’aimable auteur des Aventures de Télémaque. Quoique son ouvrage ne soit pas composé en vers, on peut à juste titre le regarder comme un poëme. La prose poétique et mesurée du Télémaque est singulièrement harmonieuse, et elle donne au style presque autant d’élévation que la langue française peut en supporter, même en vers (Lect. On Rhet., by H. Blair., t. III, p. 276.).