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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/516

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LIVRE QUINZIÈME.

Ce livre n’a pas un besoin essentiel de notes, hors sur deux points : 1o Piste étoit en effet évêque d’Athènes à l’époque dont je parle, et parut au concile de Nicée ; 2o il y a plusieurs anachronismes, par rapport à Julien et aux grands hommes de l’Église que je représente au jardin de Platon. J’ai fait çà et là des corrections de style, supprimé quelques phrases, etc., etc. Je remplacerai les notes de ce livre par un long morceau de mon Itinéraire ; il servira de commentaire au voyage d’Eudore.


1re Remarquepage 202.

Il marchoit vers Argos, par le chemin de la montagne.

De Sparte à Argos, il y a deux chemins : l’un s’enfonce dans le vallon de Tégée, l’autre traverse les montagnes qui bordent le golfe d’Argos. J’ai suivi le dernier, et c’est celui que j’ai fait prendre à Eudore. Avant de citer mon Itinéraire, je dois observer qu’Argos étoit déjà en ruine du temps de Pausanias. Elle étoit si pauvre sous le règne de Julien l’Apostat qu’elle ne put pas contribuer aux frais et au rétablissement des jeux Isthmiques. Julien plaida sa cause contre les Corinthiens : nous avons ce singulier monument littéraire dans les ouvrages de cet empereur (Épist. xxv). Argos, la patrie du roi des rois, devenue dans le moyen âge l’héritage d’une veuve vénitienne, fut vendue par cette veuve à la république de Venise, pour deux cents ducats de rente viagère, et cinq cents une fois payés. Coronelli rapporte le contrat. Voilà ce que c’est que la gloire !

Itinéraire. « Des ruines de Sparte, je partis pour Argos sans retourner à Misitra. J’avois dit adieu à Ibrahim-Bey. J’abandonnai Lacédémone sans regret ; cependant je ne pouvois me défendre de ce sentiment de tristesse qu’on éprouve en présence d’une grande ruine et en quittant des lieux qu’on ne reverra jamais. Le chemin qui conduit de la Laconie dans l’Argolide étoit dans l’antiquité ce qu’il est encore aujourd’hui, un des plus rudes et des plus sauvages de la Grèce. Nous traversâmes l’Eurotas à l’entrée de la nuit, dans l’endroit où nous l’avions déjà passé en venant de Tripolizza ; puis, tournant au levant, nous nous enfonçâmes dans des gorges de montagnes. Nous marchions rapidement, dans des ravines et sous des arbres qui nous obligeoient de nous coucher sur le cou de nos chevaux. Je frappai si rudement de la tête contre une branche de ces arbres, que je fus jeté à dix pas sans connoissance. Comme mon cheval continuoit de galoper, mes compagnons de voyage, qui me devançoient, ne s’aperçurent pas de ma chute : leurs cris, quand ils revinrent à moi, me tirèrent de mon évanouissement.

« À une heure du matin, nous arrivâmes au sommet d’une haute montagne, où nous laissâmes reposer nos chevaux. Le froid devint si piquant, que nous fûmes obligés d’allumer un feu de bruyère. Je ne puis assigner de nom à ce lieu peu célèbre de l’antiquité, mais nous devions être vers les sources de