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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/540

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qu’ils mourussent de faim… Les historiens n’ont point de paroles qui puissent exprimer la violence des douleurs et la cruauté des supplices que les martyrs souffrirent dans la Thébaïde. Quelques-uns furent déchirés jusqu’à la mort par tout le corps avec des têts de pots cassés, au lieu d’ongles de fer. Des femmes furent attachées par un pied, élevées en l’air avec des machines, la tête en bas, et exposées alors avec autant d’inhumanité que d’infamie. Des hommes furent attachés par les jambes à des branches d’arbres que l’on avoit courbées avec des machines, et écartelés lorsque ces branches, étant lâchées, reprirent leur situation naturelle. Ces violences-là furent exercées l’espace de plusieurs années, durant lesquelles on faisoit mourir chaque jour, par divers supplices, tantôt dix personnes, tant hommes que femmes et enfants, tantôt vingt, tantôt trente, tantôt soixante, et quelquefois même jusqu’à cent. Étant sur les lieux, j’en ai vu exécuter à mort un grand nombre dans un même jour, dont les uns avoient la tête tranchée, les autres étoient brûlés vifs. La pointe des épées étoit émoussée à force de tuer, et les bourreaux, las de tourmenter les martyrs, se relevoient tour à tour. J’ai été témoin de la généreuse ardeur et de la noble impatience de ces fidèles… Il n’y a point de discours qui soit capable d’exprimer la générosité et la constance qu’ils ont fait paroître au milieu des supplices. Comme il n’y avoit personne à qui il ne fût permis de les outrager, les uns les battoient avec des bâtons, les autres avec des baguettes, les autres avec des fouets, les autres avec des lanières de cuir, et les autres avec des cordes, chacun choisissant, selon ce qu’il avoit de malice, un instrument particulier pour les tourmenter. On en attacha quelques-uns à des colonnes, les mains liées derrière le dos, et ensuite on leur étendit les membres avec des machines. On les déchira après cela avec des ongles de fer, non-seulement par les côtés, comme l’on a accoutumé de déchirer ceux qui ont commis un meurtre, mais aussi par le ventre, par les cuisses et par le visage. On en suspendoit quelques-uns par la main, au haut d’une galerie, de sorte que la violence avec laquelle leurs nerfs étoient tendus leur étoit plus sensible qu’aucun autre supplice n’auroit pu être. On les attachoit quelquefois à des colonnes, vis-à-vis les uns des autres, sans que leurs pieds touchassent à terre ; tellement que la pesanteur de leur corps serroit extrêmement les liens par où ils étoient attachés. Ils étoient dans cette posture contrainte non-seulement pendant que le juge leur parloit ou qu’il les interrogeoit, mais presque durant tout le jour.

« … Les uns eurent les membres coupés avec des haches, comme en Arabie ; les autres eurent les cuisses coupées, comme en Cappadoce ; les autres furent pendus par les pieds et étouffés à petit feu, comme en Mésopotamie ; les autres eurent le nez, les oreilles, les mains et les autres parties du corps coupés, comme à Alexandrie. » (Voyez Eusèbe, chap. VI, VII, VIII, IX, X, XI et XII, liv. VIII.)

Extrait de Lactance, de la Mort des Persécuteurs. — « Parlerai-je des jeux et des divertissements de Galère ? Il avoit fait venir de toutes parts des ours d’une grandeur prodigieuse et d’une férocité pareille à la sienne. Lorsqu’il vouloit s’amuser, il faisoit apporter quelques-uns de ces animaux, qui avoient