Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/102

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et sa description de Jérusalem est copiée mot à mot de celle de Deshayes ; enfin, il parle d’Athènes comme s’il ne l’avait jamais vue : ce qu’il en dit est un des contes les plus insignes que jamais voyageur se soit permis de débiter.

" Ses ruines, comme on le peut juger, sont la partie la plus remarquable. En effet, quoique les maisons y soient en grand nombre, et que l’air y soit admirable, il n’y a presque point d’habitants. Il y a une commodité qu’on ne trouve point ailleurs : y demeure qui veut, et les maisons s’y donnent sans que l’on en paye aucun loyer. Au reste, si cette ville célèbre est de toutes les anciennes celle qui a consacré le plus de monuments à la postérité, on peut dire que la bonté de son climat en a aussi conservé plus qu’en aucun autre endroit du monde, au moins de ceux que j’ai vus. Il semble qu’ailleurs on se soit fait un plaisir de tout renverser, et la guerre a causé presque partout des ravages qui, en ruinant les peuples, ont défiguré tout ce qu’ils avaient de beau. Athènes seule, soit par le hasard, soit par le respect que l’on devait naturellement avoir pour une ville qui avait été le siège des sciences, et à laquelle tout le monde avait obligation, Athènes, dis-je, a été seule épargnée dans la destruction universelle : on y rencontre partout des marbres d’une beauté et d’une grandeur surprenantes ; ils y ont été prodigués, et l’on y trouve à chaque pas des colonnes de granit et de jaspe. "

Athènes est fort peuplée ; les maisons ne s’y donnent point ; on n’y rencontre point à chaque pas des colonnes de granit et de jaspe ; enfin, dix-sept ans avant l’année 1704, les monuments de cette ville célèbre avaient été renversés par les Vénitiens. Ce qu’il y a de plus étrange, c’est qu’on possédait déjà les dessins de M. Nointel et le voyage de Spon, lorsque Paul Lucas imprima cette relation, digne des Mille et une Nuits.

La Relation du Voyage du sieur Pellegrin dans le royaume de Morée est de 1718. L’auteur paraît avoir été un homme de petite éducation et d’une science encore moins grande ; son misérable pamphlet de cent quatre-vingt deux pages est un recueil d’anecdotes galantes, de chansons et de mauvais vers. Les Vénitiens étaient restés maîtres de la Morée depuis l’an 1685 ; ils la perdirent en 1715. Pellegrin a tracé l’histoire de cette dernière conquête