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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/161

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Porto. Le voyageur a sous ce rapport de grandes obligations aux Anglais : ce sont eux qui ont établi de bonnes auberges dans toute l’Europe, en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Espagne, à Constantinople, à Athènes et jusqu’aux portes de Sparte, en dépit de Lycurgue.

L’archevêque connaissait le vice-consul d’Athènes, et je ne sais s’il ne me dit point lui avoir donné l’hospitalité dans les deux ou trois courses que M. Fauvel a faites à Misitra. Après qu’on m’eut servi le café, on me montra l’archevêché et l’église : celle-ci, fort célèbre dans nos géographies, n’a pourtant rien de remarquable. La mosaïque du pavé est commune ; les peintures, vantées par Guillet, rappellent absolument les ébauches de l’école avant le Pérugin. Quant à l’architecture, ce sont toujours des dômes plus ou moins écrasés, plus ou moins multipliés. Cette cathédrale, dédiée à saint Dimitri, et non pas à la Vierge, comme on l’a dit, a pour sa part sept de ces dômes. Depuis que cet ornement a été employé à Constantinople dans la dégénération de l’art, il a marqué tous les monuments de la Grèce. Il n’a ni la hardiesse du gothique ni la sage beauté de l’antique. Il est assez majestueux quand il est immense : mais alors il écrase l’édifice qui le porte : s’il est petit, ce n’est plus qu’une calotte ignoble, qui ne se lie à aucun membre de l’architecture, et qui s’élève au-dessus des entablements tout exprès pour rompre la ligne harmonieuse de la cymaise.

Je vis dans la bibliothèque de l’archevêché quelques traités des Pères grecs, des livres de controverse et deux ou trois historiens de la Byzantine, entre autres Pachymère. Il eût été intéressant de collationner le texte de ce manuscrit avec les textes que nous avons ; mais il aura sans doute passé sous les yeux de nos deux grands hellénistes, l’abbé Fourmont et d’Ansse de Villoison. Il est probable que les Vénitiens, longtemps maîtres de la Morée, en auront enlevé les manuscrits les plus précieux.

Mes hôtes me montrèrent avec empressement des traductions imprimées de quelques ouvrages français : c’est, comme on sait, le Télémaque, Rollin, etc., et des nouveautés publiées à Bucharest. Parmi ces traductions, je n’oserais dire que je trouvai Atala, si M. Stamati ne m’avait aussi fait l’honneur de prêter à ma sauvage la langue d’Homère. La traduction que je vis à Misitra n’était pas achevée ; le traducteur était un Grec, natif de Zante ; il s’était trouvé à Venise lorsque Atala y parut en italien, et c’était sur cette traduction qu’il avait commencé la sienne en grec vulgaire. Je ne sais si je cachai mon nom par orgueil ou par modestie ; mais ma petite gloriole d’auteur fut si satisfaite de se rencontrer auprès de la grande gloire de Lacédémone, que