Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/201

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l’Afrique 44. Depuis deux mille ans elles font ainsi le même voyage ; elles sont restées libres et heureuses dans la ville de Solon comme dans la ville du chef des eunuques noirs. Du haut de leurs nids, que les révolutions ne peuvent atteindre, elles ont vu au-dessous d’elles changer la race des mortels : tandis que des générations impies se sont élevées sur les tombeaux des générations religieuses, la jeune cigogne a toujours nourri son vieux père 45. Si je m’arrête à ces réflexions, c’est que la cigogne est aimée des voyageurs ; comme eux " elle connaît les saisons dans le ciel 46. " Ces oiseaux furent souvent les compagnons de mes courses dans les solitudes de l’Amérique ; je les vis souvent perchés sur les wigwum du sauvage en les retrouvant dans une autre espèce de désert, sur les ruines du Parthénon, je n’ai pu m’empêcher de parler un peu de mes anciens amis.

Le lendemain 24, à quatre heures et demie du matin, nous montâmes à la citadelle ; son sommet est environné de murs, moitié antiques, moitié modernes ; d’autres murs circulaient autrefois autour de sa base. Dans l’espace que renferment ces murs se trouvent d’abord les restes des Propylées et les débris du temple de la Victoire 47. Derrière les Propylées, à gauche, vers la ville, on voit ensuite le Pandroséum et le double temple de Neptune Erechthée et de Minerve Polias ; enfin, sur le point le plus éminent de l’Acropolis s’élève le temple de Minerve ; le reste de l’espace est obstrué par les décombres des bâtiments anciens et nouveaux, et par les tentes, les armes et les baraques des Turcs.

Le rocher de la citadelle peut avoir à son sommet huit cents pieds de long sur quatre cents de large ; sa forme est à peu près celle d’un ovale dont l’ellipse irait en se rétrécissant du côté du mont Hymette : on dirait un piédestal taillé tout exprès pour porter les magnifiques édifices qui le couronnaient.

Je n’entrerai point dans la description particulière de chaque monument : je renvoie le lecteur aux ouvrages que j’ai si souvent cités ; et, sans répéter ici ce que chacun peut trouver ailleurs, je me contenterai de quelques réflexions générales.

La première chose qui vous frappe dans les monuments d’Athènes, c’est la belle couleur de ces monuments. Dans nos climats, sous une atmosphère chargée de fumée et de pluie, la pierre du blanc le plus pur devient bientôt noire ou verdâtre. Le ciel clair et le soleil brillant de la