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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/21

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qu’on croit avoir été bâti par Alexandre, après qu’il eut passé la rivière[1]. »

Il est, je pense, assez clair que Spon prend comme moi la rivière du village de Sousoughirli, ou des Buffles d’eau, pour le Granique.

Tournefort est encore plus précis :

« Ce Granique, dont on n’oubliera jamais le nom tant qu’on parlera d’Alexandre, coule du sud-est au nord, et ensuite vers le nord-ouest, avant que de tomber dans la mer ; ses bords sont fort élevés du côté qui regarde le couchant. Ainsi les troupes de Darius avoient un grand avantage, si elles en avoient su profiter. Cette rivière, si fameuse par la première bataille que le plus grand capitaine de l’antiquité gagna sur ses bords, s’appelle à présent Sousoughirli, qui est le nom d’un village où elle passe ; et Sousoughirli veut dire le village des Buffles d’eau. »

Je pourrois joindre à ces autorités celle de Paul Lucas (Voyage de Turquie en Asie, liv. II, p. 131) ; je pourrois renvoyer le critique au grand Dictionnaire de la Martinière, au mot Granique, t. III, p. 160 ; à l’Encyclopédie, au même mot Granique, t. VII, p. 858 ; enfin, à l’auteur de l’Examen critique des Historiens d’Alexandre, p. 239 de la deuxième édition : il verroit dans tous ces ouvrages que le Granique est aujourd’hui le Sousou ou le Samsou, ou le Sousoughirli, c’est-à-dire que La Martinière, les encyclopédistes et le savant M. de Sainte-Croix s’en sont rapportés à l’autorité de Spon, de Wheler, de Paul Lucas et de Tournefort. La même autorité est reconnue dans l’Abrégé de l’Histoire générale des Voyages, par La Harpe, t. XXIX, p. 86. Quand un chétif voyageur comme moi a derrière lui des voyageurs tels que Spon, Wheler, Paul Lucas et Tournefort, il est hors d’atteinte, surtout lorsque leur opinion a été adoptée par des savants aussi distingués que ceux que je viens de nommer.

Mais Spon, Wheler, Tournefort, Paul Lucas, sont tombés dans une méprise, et cette méprise a entraîné celle de La Martinière, des encyclopédistes, de M. de Sainte-Croix et de M. de La Harpe. C’est une autre question : ce n’est pas à moi à m’ériger en maître et à relever les erreurs de ces hommes célèbres ; il me suffit d’être à l’abri sous leur autorité : je consens à avoir tort avec eux.

Je ne sais si je dois parler d’une autre petite chicane qu’on m’a faite au sujet de Kirkagach : j’avois avancé que le nom de cette ville n’existe sur aucune carte ; on a répondu que ce nom se trouve sur une carte de l’Anglois Arow-

  1. Voyage d’Italie, de Dalmatie, de Grèce et du Levant, par S. Spon et G. Wheler, t. I, p. 285-86-87, édition de Lyon, 1678.