Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

encore en grande vénération, était ombragé par un peuplier qui avait commencé à croître dans le temps de son arrivée 10. . "

Puisque Homère avait eu pour hôte un armurier à Néon-Tichos, je ne rougissais plus d’avoir eu pour interprète un marchand d’étain à Smyrne. Plût au ciel que la ressemblance fût en tout aussi complète, dussé-je acheter le génie d’Homère par tous les malheurs dont ce poète fut accablé !

Après quelques heures de marche nous franchîmes une des croupes du mont Sardène, et nous arrivâmes au bord du Pythicus. Nous fîmes halte pour laisser passer une caravane qui traversait le fleuve. Les chameaux, attachés à la queue les uns des autres, n’avançaient dans l’eau qu’en résistant ; ils allongeaient le cou et étaient tirés par l’âne qui marche à la tête de la caravane. Les marchands et les chevaux étaient arrêtés en face de nous, de l’autre côté de la rivière, et l’on voyait une femme turque, assise à l’écart, qui se cachait dans son voile.

Nous passâmes le Pythicus à notre tour, au-dessous d’un méchant pont de pierre, et à onze heures nous gagnâmes un kan, où nous laissâmes reposer les chevaux.

A cinq heures du soir nous nous remîmes en route. Les terres étaient hautes et assez bien cultivées. Nous voyions la mer à gauche. Je remarquai pour la première fois des tentes de Turcomans : elles étaient faites de peaux de brebis noires, ce qui me fit souvenir des Hébreux et des pasteurs arabes. Nous descendîmes dans la plaine de Myrine, qui s’étend jusqu’au golfe d’Elée. Un vieux château, du nom de Guzel-Hissar, s’élevait sur une des pointes de la montagne que nous venions de quitter. Nous campâmes, à dix heures du soir, au milieu de la plaine. On étendit à terre une couverture que j’avais achetée à Smyrne. Je me couchai dessus et je m’endormis. En me réveillant, quelques heures après, je vis les étoiles briller au-dessus de ma tête, et j’entendis le cri du chamelier qui conduisait une caravane éloignée. Le 5 nous montâmes à cheval avant le jour. Nous cheminâmes par une plaine cultivée : nous traversâmes le Caïcus à une lieue de Pergame, et à neuf heures du matin nous entrâmes dans la ville. Elle est bâtie au pied d’une montagne. Tandis que le guide conduisait les chevaux au kan, j’allai voir les ruines de la citadelle. Je trouvai les débris de trois enceintes de murailles, les restes d’un théâtre et d’un temple (peut-être celui de Minerve Porte-Victoire). Je remarquai quelques fragments agréables de sculpture, entre autres une frise ornée