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AVANT-PROPOS


DE LA


DEUXIÈME ÉDITION DE LA NOTE SUR LA GRÈCE





PREMIÈRE PARTIE


Les personnages du drame qui depuis trente ans se joue sous nos yeux se retirent. Les acteurs populaires ont descendu les premiers dans les tombeaux qu’ils avaient placés sur la scène ; ils ont emporté avec eux quelques têtes couronnées ; d’autres potentats, en plus grand nombre, les ont suivis, Louis XVI, Louis XVII, Gustave III, Pie VI, Léopold II, Pie VII, Catherine II, Sélim III, Charles III d’Espagne, Ferdinand Ier de Sicile, Georges III, Louis XVIII, le roi de Bavière, Alexandre, et ce Buonaparte, unique dans sa dynastie, solitaire dans la vie et dans la mort, ce Buonaparte qu’on ne sait ni comment admettre au nombre des rois ni comment retrancher de ce nombre ; tous ces souverains ont disparu. En face des antiques monarchies qui perdent tour à tour leurs vieux chefs s’élèvent des républiques nouvelles, qui dans toute la vigueur de la jeunesse, semblent se promettre la terre par droit de déshérence.

Des hommes importants qui marquèrent dans la fondation d’un nouveau système ont pris la file, et sont arrivés de même au rendez-vous général : Pitt et Fox, Richelieu et Castlereagh, se sont hâtés ; d’autres ne tarderont pas à les rejoindre.

Ce grand mouvement, qui tout entraîne, rend bien petites les ambitions, les intrigues et les choses du jour. Buonaparte meurt au bout du monde, sur un rocher, au milieu de l’Océan ; et Alexandre revient dans son cercueil chercher un tombeau par ces chemins de la Crimée qui virent le voyage triomphant de son aïeule. Ainsi Dieu se joue de la puissance humaine et annonce par des signes éclatants les révolutions que ses conseils vont opérer dans les destinées des peuples.