Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/58

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l’oppresseur contre l’opprimé. Cette pudeur est déjà une présomption favorable à la cause que l’on examine.

Mais les publicistes qui ont écrit sur les affaires de la Grèce, sans être toutefois ennemis des Grecs, ont prétendu qu’on ne devait pas se mêler de ces affaires, par quatre raisons principales :

  1. L’empire turc a été reconnu partie intégrante de l’Europe au congrès de Vienne ;
  2. Le grand seigneur est le souverain légitime des Grecs, d’où il résulte que les Grecs sont des sujets rebelles ;
  3. La médiation des puissances à intervenir pourrait élever des difficultés politiques ;
  4. Il ne convient pas qu’un gouvernement populaire s’établisse à l’orient de l’Europe.

Il faut examiner d’abord les deux premières raisons.

Première raison : L’empire turc a été reconnu parti intégrante de l’Europe au congrès de Vienne.

Le congrès de Vienne aurait donc garanti au grand seigneur l’intégralité de ses États ? Quoi ! on les aurait assurés même contre la guerre ! Les ambassadeurs de la Porte assistaient-ils au congrès ? le grand vizir a-t-il signé au protocole ? le mufti a-t-il promis de protéger le souverain pontife, et le souverain pontife le mufti ? On craindrait de s’écarter d’une gravité que le sujet commande en s’arrêtant à des assertions aussi singulières que peu correctes.

Il y a plus : la Porte serait fort surprise d’apprendre qu’on s’est avisé de lui garantir quelque chose ; ces garanties lui sembleraient une insolence. Le sultan règne de par le Coran et l’épée ; c’est déjà douter de ses droits que de les reconnaître ; c’est supposer qu’il ne possède pas de sa pleine et entière volonté : dans le régime arbitraire, la loi est le délit ou le crime, selon la légalité plus ou moins prononcée de l’action.

Mais les écrivains qui prétendent que les États du grand seigneur ont été mis sous la sauvegarde du congrès de Vienne se souviennent-ils que les possessions des princes chrétiens, y compris leurs colonies, ont été réellement garanties par les actes de ce congrès ? Voient-ils où cette question, qu’on soulève ici en passant, pourrait conduire ? Quand il s’agit des colonies espagnoles, parle-t-on de ce congrès de Vienne que l’on fait intervenir si bizarrement quand il s’agit de la Grèce ?

Qu’il soit permis au moins de réclamer pour les victimes du despotisme musulman la liberté que l’on se croit en droit de demander pour les sujets de S. M. Catholique. Que l’on s’écarte des articles d’un traité général signé par toutes les parties, afin de procurer ce qu’on pense être un plus grand bien à des populations entières, soit : mais alors