Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/101

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De l’embouchure de l’Ohio aux mines de fer, sur la côte orientale du Mississipi, il n’y a guère plus de quinze milles ; des mines de fer à l’embouchure de la rivière de Chicassas on marque soixante-sept milles. Il faut faire cent quatre milles pour arriver aux collines de Margette, qu’arrose la petite rivière de ce nom ; c’est un lieu rempli de gibier.

Pourquoi trouve-t-on tant de charme à la vie sauvage ? Pourquoi l’homme le plus accoutumé à exercer sa pensée s’oublie-t-il joyeusement dans le tumulte d’une chasse ? Courir dans les bois, poursuivre des bêtes sauvages, bâtir sa hutte, allumer son feu, apprêter soi-même son repas auprès d’une source, est certainement un très-grand plaisir. Mille Européens ont connu ce plaisir, et n’en ont plus voulu d’autre, tandis que l’Indien meurt de regret si on l’enferme dans nos cités. Cela prouve que l’homme est plutôt un être actif qu’un être contemplatif ; que dans sa condition naturelle il lui faut peu de chose, et que la simplicité de l’âme est une source inépuisable de bonheur.

De la rivière Margette à celle de Saint-François on parcourt soixante-dix milles. La rivière de Saint-François a reçu son nom des François, et elle est encore pour eux un rendez-vous de chasse.

On compte cent huit milles de la rivière Saint-François aux Akansas ou Arkansas. Les Akansas nous sont encore fort attachés. De tous les Européens, mes compatriotes sont les plus aimés des Indiens. Cela tient à la gaieté des François, à leur valeur brillante, à leur goût de la chasse et même de la vie sauvage ; comme si la plus grande civilisation se rapprochoit de l’état de nature !

La rivière d’Akansas est navigable en canot pendant plus de quatre cent cinquante milles : elle coule à travers une belle contrée ; sa source paroit être cachée dans les montagnes du Nouveau-Mexique.

De la rivière des Akansas à celle des Yazous, cent cinquante-huit milles. Cette dernière rivière a cent toises de largeur à son embouchure. Dans la saison des pluies, les grands bateaux peuvent remonter le Yazou à plus de quatre-vingts milles ; une petite cataracte oblige seulement à un portage. Les Yazous, les Chactas et les Chicassas habitoient autrefois les diverses branches de cette rivière. Les Yazous ne faisoient qu’un peuple avec les Natchez.

La distance des Yazous aux Natchez par le fleuve se divise ainsi : des côtes des Yazous au Bayouk-Noir, trente-neuf milles ; du Bayouk-Noir à la rivière des Pierres, trente milles ; de la rivière des Pierres aux Natchez, dix milles.

Depuis les côtes des Yazous jusqu’au Bayouk-Noir, le Mississipi est rempli d’îles et fait de longs détours ; sa largeur est d’environ deux