Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/102

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milles, sa profondeur de huit à dix brasses. Il seroit facile de diminuer les distances en coupant des pointes. La distance de la Nouvelle-Orléans à l’embouchure de l’Ohio, qui n’est que de quatre cent soixante milles en ligne droite, est de huit cent cinquante-six sur le fleuve. On pourroit raccourcir de ce trajet deux cent cinquante milles au moins.

Du Bayouk-Noir à la rivière des Pierres, on remarque des carrières de pierres. Ce sont les premières que l’on rencontre à partir de l’embouchure du Mississipi jusqu’à la petite rivière qui a pris le nom de ces carrières.

Le Mississipi est sujet à deux inondations périodiques, l’une au printemps, l’autre en automne : la première est la plus considérable ; elle commence en mai et finit en juin. Le courant du fleuve file alors cinq milles à l’heure, et l’ascension des contre-courants est à peu près de la même vitesse : admirable prévoyance de la nature ! car, sans ces contre-courants, les embarcations pourroient à peine remonter le fleuve[1]. À cette époque, l’eau s’élève à une grande hauteur, noie ses rivages, et ne retourne point au fleuve dont elle est sortie, comme l’eau du Nil ; elle reste sur la terre, ou filtre à travers le sol, sur lequel elle dépose un sédiment fertile.

La seconde crue a lieu aux pluies d’octobre ; elle n’est pas aussi considérable que celle du printemps. Pendant ces inondations, le Mississipi charrie des trains de bois énormes et pousse des mugissements. La vitesse ordinaire du cours du fleuve est d’environ deux milles à l’heure.

Les terres un peu élevées qui bordent le Mississipi, depuis la Nouvelle-Orléans jusqu’à l’Ohio, sont presque toutes sur la rive gauche ; mais ces terres s’éloignent ou se rapprochent plus ou moins du canal, laissant quelquefois entre elles et le fleuve des savanes de plusieurs milles de largeur. Les collines ne courent pas toujours parallèlement au rivage ; tantôt elles divergent en rayons à de grandes distances, et présentent, dans les perspectives qu’elles ouvrent, des vallées plantées de mille sortes d’arbres : tantôt elles viennent converger au fleuve, et forment une multitude de caps qui se mirent dans l’onde. La rive droite du Mississipi est rase, marécageuse, uniforme, à quelques exceptions près : au milieu des hautes cannes vertes ou dorées qui la décorent, un voit bondir des buffles ou étinceler les eaux d’une multitude d’étangs remplis d’oiseaux aquatiques.

Les poissons du Mississipi sont la perche, le brochet, l’esturgeon et les colles ; on y pèche aussi des crabes énormes.

  1. Les bateaux à vapeur ont fait disparaître la difficulté de la navigation d’amont.