Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/119

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et remue doucement la queue. Les oiseaux, de plus en plus satisfaits, abordent au rivage, s’avancent en dandinant vers le futé quadrupède, qui affecte autant de bêtise qu’ils en montrent. Bientôt la sotte volatile s’enhardit au point de venir becqueter la queue du maître-passé, qui s’élance sur sa proie.

LOUPS.

Il y a en Amérique diverses sortes de loups : celui qu’on appelle cervier vient pendant la nuit aboyer autour des habitations. Il ne hurle jamais qu’une fois au même lieu ; sa rapidité est si grande, qu’en moins de quelques minutes on entend sa voix à une distance prodigieuse de l’endroit où il a poussé son premier cri.

RAT MUSQUÉ.

Le rat musqué vit au printemps de jeunes pousses d’arbrisseaux, et en été de fraises et de framboises ; il mange des baies de bruyères en automne, et se nourrit en hiver de racines d’orties. Il bâtit et travaille comme le castor. Quand les sauvages ont tué un rat musqué, ils paroissent fort tristes : ils fument autour de son corps et l’environnent de manitous, en déplorant leur parricide : on sait que la femelle du rat musqué est la mère du genre humain.

CARCAJOU.

Le carcajou est une espèce de tigre ou de grand chat. La manière dont il chasse l’orignal avec ses alliés les renards est célèbre. Il monte sur un arbre, se couche à plat sur une branche abaissée, et s’enveloppe d’une queue touffue qui fait trois fois le tour de son corps. Bientôt on entend des glapissements lointains, et l’on voit paroître un orignal rabattu par trois renards, qui manœuvrent de manière à le diriger vers l’embuscade du carcajou. Au moment où la bête lancée passe sous l’arbre fatal, le carcajou tombe sur elle, lui serre le cou avec sa queue, et cherche à lui couper avec les dents la veine jugulaire. L’orignal bondit, frappe l’air de son bois, brise la neige sous ses pieds : il se traîne sur ses genoux, fuit en ligne directe, recule, s’accroupit, marche par sauts, secoue sa tête. Ses forces s’épuisent, ses flancs battent, son sang ruisselle le long de son cou, ses jarrets tremblent, plient. Les trois renards arrivent à la curée : tyran équitable, le carcajou divise également la proie entre lui et ses satellites. Les sauvages