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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/122

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l’hélonias, le lis du Canada, le lis appelé superbe, la tigridie panachée, l’achillée rose, le dahlia, l’hellénie d’automne, les phlox de toutes les espèces se confondent aujourd’hui avec nos fleurs natives.

Enfin, nous avons exterminé presque partout la population sauvage ; et l’Amérique nous a donné la pomme de terre, qui prévient à jamais la disette parmi les peuples destructeurs des Américains.

ABEILLES.

Tous ces végétaux nourrissent de brillants insectes. Ceux-ci ont reçu dans leurs tribus notre mouche à miel, qui est venue à la découverte de ces savanes et de ces forêts embaumées dont on racontoit tant de merveilles. On a remarqué que les colons sont souvent précédés dans les bois du Kentucky et du Tennessée par des abeilles : avant-garde des laboureurs, elles sont le symbole de l’industrie et de la civilisation, qu’elles annoncent. Étrangères à l’Amérique, arrivées à la suite des voiles de Colomb, ces conquérantes pacifiques n’ont ravi à un nouveau monde de fleurs que des trésors dont les indigènes ignoroient l’usage ; elles ne se sont servies de ces trésors que pour enrichir le sol dont elles les avoient tirés. Qu’il faudroit se féliciter, si toutes les invasions et toutes les conquêtes ressembloient à celles de ces filles du ciel !

Les abeilles ont pourtant eu à repousser des myriades de moustiques et de maringouins, qui attaquoient leurs essaims dans le tronc des arbres ; leur génie a triomphé de ces envieux, méchants et laids ennemis. Les abeilles ont été reconnues reines du désert, et leur monarchie administrative s’est établie dans les bois auprès de la république de Washington.


MŒURS DES SAUVAGES.

Il y a deux manières également fidèles et infidèles de peindre les sauvages de l’Amérique septentrionale : l’une est de ne parler que de leurs lois et de leurs mœurs, sans entrer dans le détail de leurs coutumes bizarres, de leurs habitudes souvent dégoûtantes pour les hommes civilisés. Alors on ne verra que des Grecs et des Romains ; car les lois des Indiens sont graves et les mœurs souvent charmantes.