Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/187

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vagues lui alloient à peine à la ceinture ; il obligea les Algonquins de jeter dans les flots le trésor qu’ils avoient ravi.

Sur les bords du lac Huron, le Grand-Esprit a fait chanter le lièvre blanc comme un oiseau, et donné la voix d’un chat à l’oiseau bleu.

Athaensic a planté dans les îles du lac Érié l’herbe à la puce : si un guerrier regarde cette herbe, il est saisi de la fièvre ; s’il la touche, un feu subtil court sur sa peau. Athaensic planta encore au bord du lac Érié le cèdre blanc pour détruire la race des hommes : la vapeur de l’arbre fait mourir l’enfant dans le sein de la jeune mère, comme la pluie fait couler la grappe sur la vigne.

Le Grand-Lièvre a donné la sagesse au chat-huant du lac Érié. Cet oiseau fait la chasse aux souris pendant l’été ; il les mutile et les emporte toutes vivantes dans sa demeure, où il prend soin de les engraisser pour l’hiver. Cela ne ressemble pas trop mal aux maîtres des peuples.

À la cataracte du Niagara habite le génie redoutable des Iroquois.

Auprès du lac Ontario, des ramiers mâles se précipitent le matin dans la rivière Gennessé ; le soir ils sont suivis d’un pareil nombre de femelles ; ils vont chercher la belle Endaé, qui fut retirée de la contrée des âmes par le chant de son époux.

Le petit oiseau du lac Ontario fait la guerre au serpent noir. Voici ce qui a donné lieu à cette guerre.

Hondioun étoit un fameux chef des Iroquois constructeurs de cabanes. Il vit la jeune Almilao, et il fut étonné. Il dansa trois fois de colère, car Almilao étoit fille de la nation des Hurons, ennemis des Iroquois. Hondioun retourna à sa hutte en disant : « C’est égal ; » mais l’âme du guerrier ne parloit pas ainsi.

Il demeura couché sur la natte pendant deux soleils, il ne put dormir : au troisième soleil il ferma les yeux, et vit un ours dans ses songes. Il se prépara à la mort.

Il se lève, prend ses armes, traverse les forêts, et arrive à la hutte d’Almilao, dans le pays des ennemis. Il faisoit nuit.

Almilao entend marcher dans sa cabane ; elle dit : « Akouessan, assieds-toi sur ma natte. » Handioun s’assit sans parler sur la natte. Athaensic et sa rage étoient dans son cœur. Almilao jette un bras autour du guerrier iroquois sans le connoître, et cherche ses lèvres. Hondioun l’aima comme la lune.

Akouessan l’Abénakis, allié des Hurons, arrive ; il s’approche dans les ténèbres : les amants dormoient. Il se glisse auprès d’Almilao, sans apercevoir Hondioun roulé dans les peaux de la couche. Akouessan enchanta le sommeil de sa maîtresse.