Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/188

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Hondioun s’éveille, étend la main, touche la chevelure d’un guerrier. Le cri de guerre ébranle la cabane. Les sachems des Hurons accourent. Akouessan l’Abénakis n’étoit plus.

Hondioun, le chef iroquois, est attaché au poteau des prisonniers, et chante sa chanson de mort ; il appelle Almilao au milieu du feu, et invite la fille huronne à lui dévorer le cœur. Celle-ci pleuroit et sourioit : la vie et la mort étoient sur ses lèvres.

Le Grand-Lièvre fit entrer l’âme d’Hondioun dans le serpent noir, et celle d’Almilao dans le petit oiseau du lac Ontario. Le petit oiseau attaque le serpent noir et l’étend mort d’un coup de bec. Akouessan fut changé en homme marin.

Le Grand-Lièvre fit une grotte de marbre noir et vert dans le pays des Abénakis ; il planta un arbre dans le lac salé (la mer), à l’entrée de la grotte. Tous les efforts des chairs blanches n’ont jamais pu arracher cet arbre. Lorsque la tempête souffle sur le lac sans rivage, le Grand-Lièvre descend du rocher bleu et vient pleurer sous l’arbre Hondioun, Almilao et Akouessan.

C’est ainsi que les fables des sauvages amènent le voyageur du fond des lacs du Canada aux rivages de l’Atlantique. Moïse, Lucrèce et Ovide sembloient avoir légué à ces peuples, le premier sa tradition, le second sa mauvaise physique, le troisième ses métamorphoses. Il y avoit dans tout cela assez de religion, de mensonge et de poésie pour s’instruire, s’égarer et se consoler.


GOUVERNEMENT.

LES NATCHEZ.

Despotisme dans l’état de nature.

Presque toujours on a confondu l’état de nature avec l’état sauvage : de cette méprise il est arrivé qu’on s’est figuré que les sauvages n’avoient point de gouvernement, que chaque famille étoit simplement conduite par son chef ou par son père ; qu’une chasse ou une guerre réunissoit occasionnellement les familles dans un intérêt commun ; mais que cet intérêt satisfait, les familles retournoient à leur isolement et à leur indépendance.