Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/202

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sion et l’indépendance peuvent opérer dans le caractère des hommes. Après avoir quitté les Hurons, ils se livrèrent à la culture des terres, devinrent une nation agricole et paisible, d’où ils tirèrent leur nom d’Agannonsioni.

Leurs voisins, les Adirondacs, dont nous avons fait les Algonquins, peuple guerrier et chasseur qui étendoit sa domination sur un pays immense, méprisèrent les Hurons émigrants, dont ils achetoient les récoltes. Il arriva que les Algonquins invitèrent quelques jeunes Iroquois à une chasse ; ceux-ci s’y distinguèrent de telle sorte que les Algonquins, jaloux, les massacrèrent.

Les Iroquois coururent aux armes pour la première fois : battus d’abord, ils résolurent de périr jusqu’au dernier, ou d’être libres. Un génie guerrier, dont ils ne s’étoient point doutés, se déploya tout à coup en eux. Ils défirent à leur tour les Algonquins, qui s’allièrent avec les Hurons, dont les Iroquois tiroient leur origine. Ce fut au moment le plus chaud de cette querelle que Jacques Cartier et ensuite Champlain abordèrent au Canada. Les Algonquins s’unirent aux étrangers, et les Iroquois eurent à lutter contre les François, les Algonquins et les Hurons.

Bientôt les Hollandois arrivèrent à Manhatte (New-York). Les Iroquois recherchèrent l’amitié de ces nouveaux Européens, se procurèrent des armes à feu et devinrent en peu de temps plus habiles au maniement de ces armes que les blancs eux-mêmes. Il n’y a point chez les peuples civilisés d’exemple d’une guerre aussi longue et aussi implacable que celle que firent les Iroquois aux Algonquins et aux Hurons. Elle dura plus de trois siècles. Les Algonquins furent exterminés et les Hurons réduits à une tribu réfugiée sous la protection du canon de Québec. La colonie françoise du Canada, au moment de succomber elle-même aux attaques des Iroquois, ne fut sauvée que par un calcul de la politique de ces sauvages extraordinaires[1].

Il est probable que les Indiens du nord de l’Amérique furent gouvernés d’abord par des rois, comme les habitants de Rome et d’Athènes, et que ces monarchies se changèrent ensuite en républiques aristocratiques : on retrouvoit dans les principales bourgades huronnes et iroquoises des familles nobles, ordinairement au nombre de trois.

  1. D’autres traditions, comme on l’a vu, font des Iroquois une colonne de cette grande migration des Lennilénaps, venus des bords de l’océan Pacifique. Cette colonne des Iroquois et des Hurons auroit chassé les peuplades du nord du Canada, parmi lesquelles se trouvoient les Algonquins, tandis que les Indiens Delawares, plus au midi, auroient descendu jusqu’à l’Atlantique, en dispersant les peuples primitifs établis à l’est et à l’ouest des Alleghanys.