Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/24

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monuments graphiques du moyen âge. Ils eurent lieu dès le ive siècle, puisque saint Jérôme assure qu’il venoit à Jérusalem des pèlerins de l’Inde, de l’Éthiopie, de la Bretagne et de l’Hibernie ; il paroît même que l’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem avoit été composé vers l’an 333, pour l’usage des pèlerins des Gaules.

Les premières années du vie siècle nous fournissent l’Itinéraire d’Antonin de Plaisance. Après Antonin vient, dans le viie siècle, saint Arculfe, dont Adamannus écrivit la relation ; au viiie siècle nous avons deux voyages à Jérusalem de saint Guilbaud, et une relation des lieux saints par le vénérable Bède ; au ixe siècle, Bernard Lemoine ; aux xe et xie siècles, Olderic, évêque d’Orléans, le Grec Eugisippe, et enfin Pierre l’Ermite.

Alors commencent les croisades : Jérusalem demeure entre les mains des princes françois pendant quatre-vingt-huit ans. Après la reprise de Jérusalem par Saladin, les fidèles continuèrent à visiter la Palestine, et depuis Focas, dans le xiiie siècle, jusqu’à Pococke, dans le xviiie, les pèlerinages se succèdent sans interruption[1].

Avec les croisades on vit renaître ces historiens voyageurs dont l’antiquité avoit offert les modèles. Raymond d’Agiles, chanoine de la cathédrale du Puy en Velay, accompagna le célèbre évêque Adhémar à la première croisade : devenu chapelain du comte de Toulouse, il écrivit avec Pons de Balazun, brave chevalier, tout ce dont il fut témoin sur la route et à la prise de Jérusalem. Raoul de Caen, loyal serviteur de Tancrède, nous peint la vie de ce chevalier : Robert Lemoine se trouva au siège de Jérusalem.

Soixante ans plus tard, Foulcher de Chartres et Odon de Deuil allèrent aussi en Palestine : le premier avec Baudouin, roi de Jérusalem, le second avec Louis VII, roi de France. Jacques de Vitry devint évêque de Saint-Jean-d’Acre.

Guillaume de Tyr, qui s’éleva vers la fin du royaume de Jérusalem, passa sa vie sur les chemins de l’Europe et de l’Asie. Plusieurs historiens de nos vieilles chroniques furent ou des moines et des prélats errants, comme Raoul, Glaber et Flodoard, ou des guerriers, tels que Nithard, petit-fils de Charlemagne, Guillaume de Poitiers, Ville-Hardouin, Joinville, et tant d’autres qui racontent leurs expéditions lointaines. Pierre Devaulx-Cernay étoit une espèce d’ermite dans les effroyables camps de Simon de Montfort.

Une fois arrivé aux chroniques en langue vulgaire, on doit surtout remar-

  1. Voyez le second Mémoire de mon Introduction à l’Itinéraire.