Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/61

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VOYAGE
EN AMÉRIQUE


Je m’embarquai donc à Saint-Malo, comme je l’ai dit ; nous prîmes la haute mer, et le 6 mai 1791, vers les huit heures du matin, nous découvrîmes le pic de l’île de Fico, l’une des Açores : quelques heures après, nous jetâmes l’ancre dans une mauvaise rade, sur un fond de roches, devant l’île Graciosa. On en peut lire la description dans l’Essai historique. On ignore la date précise de la découverte de cette île.

C’étoit la première terre étrangère à laquelle j’abordois ; par cette raison même il m’en est resté un souvenir qui conserve chez moi l’empreinte et la vivacité de la jeunesse. Je n’ai pas manqué de conduire Chactas aux Açores, et de lui faire voir la fameuse statue que les premiers navigateurs prétendirent avoir trouvée sur ces rivages.

Des Açores, poussés par les vents sur le banc de Terre-Neuve, nous fûmes obligés de faire une seconde relâche à l’île Saint-Pierre. « T. et moi, dis-je encore dans l’Essai historique, nous allions courir dans les montagnes de cette île affreuse ; nous nous perdions au milieu des brouillards dont elle est sans cesse couverte, errant au milieu des nuages et des bouffées de vent, entendant les mugissements d’une mer que nous ne pouvions découvrir, égarés sur une bruyère laineuse et morte, au bord d’un torrent rougeâtre qui couloit entre des rochers. »

Les vallées sont semées, dans différentes parties, de cette espèce de pin dont les jeunes pousses servent à faire une bière amère. L’île est environnée de plusieurs écueils, entre lesquels on remarque celui du Colombier, ainsi nommé parce que les oiseaux de mer y font leur nid au printemps. J’en ai donné la description dans le Génie du Christianisme.