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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/100

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opinions l’indépendance que d’autres peuples ont mise dans leurs lois. Cette habitude de liberté dans la pensée fait que nous nous soumettons rarement sans condition aux idées d’autrui : le député qui auroit le plus promis à un ministre de voler dans le sens de ce ministre, au moment de la délibération pourroit bien lui échapper. Avec le caractère françois, l’opposition est plus à craindre que l’influence ministérielle.

CHAPITRE XV.
SUITE DES OBJECTIONS DES CONSTITUTIONNELS. ORDRE DE LA NOBLESSE.

« Qu’est-ce, dit-on, qu’une noblesse qui n’est pas celle de la chambre des pairs ? Qu’est-ce que des anoblissements, etc. »

Ceci tient à la racine des choses : il faut s’expliquer.

Montesquieu a donné l’honneur pour âme à la monarchie, et la vertu pour principe à la république. L’honneur, selon lui, réside surtout dans le corps de la noblesse, partie intégrante et nécessaire de toute monarchie qui n’est pas le despotisme.

Mais dans une monarchie mixte, les corps constitués tenant à la partie républicaine du gouvernement, l’un (la chambre des pairs) à l’aristocratie, l’autre (la chambre des députés) à la démocratie, il s’ensuit que les deux corps ont pour base, pour esprit et pour but, la vertu, c’est-à-dire la liberté, sans laquelle il n’y a point de vertu politique.

Où donc résidera essentiellement le principe de la monarchie ? Dans la couronne ? Sans doute. Mais la couronne ne peut seule le défendre : elle seroit bientôt envahie par le principe républicain, et la constitution seroit détruite. Ainsi il faut en dehors de cette constitution un corps de noblesse qui soit comme la sauvegarde de la couronne et l’auxiliaire du principe monarchique.

Maintenant observons que la noblesse n’est pas composée d’un seul et unique principe : elle en renferme évidemment deux, l’honneur et la vertu, ou la liberté. Quand elle agit en corps et par rapport à la monarchie en général, elle est conduite par l’honneur, elle est monarchique : quand elle agit pour elle-même, et d’après la nature de sa propre constitution, elle est mue par la liberté ; elle est républicaine, aristocratique.

D’après ces vérités incontestables, voyons ce qui arrivoit à la noblesse