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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/190

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d’abord aisé d’en diminuer l’abus, en obligeant les propriétaires des feuilles périodiques, comme les notaires et autres agents publics, à fournir un cautionnement. Ce cautionnement répondroit des amendes, peine la plus juste et la plus facile à appliquer. Je le fixerois au capital que suppose la contribution directe de 1000 francs, que tout citoyen doit payer pour être élu membre de la chambre des députés. Voici ma raison :

Une gazette est une tribune : de même qu’on exige du député appelé à discuter les affaires que son intérêt, comme propriétaire, l’attache à la propriété commune, de même le journaliste qui veut s’arroger le droit de parler à la France doit être aussi un homme qui ait quelque chose à gagner à l’ordre public et à perdre au bouleversement de la société.

Vous seriez par ce moyen débarrassé de la foule des papiers publics. Les journalistes, en petit nombre, qui pourroient fournir ce cautionnement, menacés par une loi formidable, exposés à perdre la somme consignée, apprendroicnt à mesurer leurs paroles. Le danger réel disparoîtroit : l’opinion des chambres, celle du ministère et celle du public seroient connues dans toute leur vérité.

L’opinion publique doit être d’autant plus indépendante aujourd’hui que l’article 4 de la Charte est suspendu. En Angleterre, lorsque l’habeas corpus dort, la liberté de la presse veille : sœur de la liberté individuelle, elle défend celle-ci tandis que ses forces sont enchaînées et l’empêche de passer du sommeil à la mort[1].

CHAPITRE XXI.
LIBERTÉ DE LA PRESSE PAR RAPPORT AUX MINISTRES.

Les ministres seront harcelés, vexés, inquiétés par la liberté de la presse ; chacun leur donnera son avis. Entre les louanges, les conseils et les outrages, il n’y aura pas moyen de gouverner.

Des ministres véritablement constitutionnels ne demanderont jamais que pour leur épargner quelques désagréments on expose la constitution. Ils ne sacrifieront pas aux misérables intérêts de leur amour-propre la dignité de la nature humaine ; ils ne transporteront point

  1. On se retranche dans la difficulté de faire une bonne loi sur la liberté de la presse. Cette loi est certainement difficile, mais je crois la savoir possible. J’ai là-dessus des idées arrêtées, dont le développement seroit trop long pour cet ouvrage.