Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écrit aux bureaux des feuilles publiques pouvoient avoir des inconvénients, on a tout dernièrement supprimé cet ordre, en déclarant aux journalistes qu’ils ne recevroient plus que des injonctions verbales. Par ce moyen les preuves disparoîtront, et l’on pourra mettre sur le compte des rédacteurs des gazettes tout ce qui sera l’ouvrage des injonctions ministérielles.

C’est ainsi que l’on fait naître une fausse opinion en France, qu’on abuse celle de l’Europe ; c’est ainsi qu’il n’y a point de calomnies dont on n’ait essayé de flétrir la chambre des députés. Si l’on n’eût pas été si contradictoire et si absurde dans ces calomnies ; si, après avoir appelé les députés des aristocrates, des ultra-royalistes, des ennemis de la Charte, des jacobins blancs, on ne les avoit pas ensuite traités de démocrates, d’ennemis de la prérogative royale, de factieux, de jacobins noirs, que ne seroit-on pas parvenu à faire croire ?

Il est de toute impossibilité, il est contre tous les principes d’une monarchie représentative de livrer exclusivement la presse au ministère, de lui laisser le droit d’en disposer selon ses intérêts, ses caprices et ses passions, de lui donner moyen de couvrir ses fautes et de corrompre la vérité. Si la presse eût été libre, ceux qui ont tant attaqué les chambres auroient été traduits à leur tour au tribunal, et l’on auroit vu de quel côté se trouvoient l’habileté, la raison et la justice.

Soyons conséquents : ou renonçons au gouvernement représentatif, ou ayons la liberté de la presse : il n’y a point de constitution libre qui puisse exister avec les abus que je viens de signaler.

CHAPITRE XX.
DANGERS DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE. JOURNAUX. LOIS FISCALES.

Mais la liberté de la presse a des dangers. Qui l’ignore ? Aussi cette liberté ne peut exister qu’en ayant derrière elle une loi forte, immanis lex, qui prévienne la prévarication par la ruine, la calomnie par l’infamie, les écrits séditieux par la prison, l’exil, et quelquefois par la mort : le Code a sur ce point la loi unique. C’est aux risques et périls de l’écrivain que je demande pour lui la liberté de la presse ; mais il la faut, cette liberté, ou, encore une fois, la constitution n’est qu’un jeu.

Quant aux journaux, qui sont l’arme la plus dangereuse, il est