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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/218

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comme toute opinion dans ce monde ; mais puisque dupes et fripons nous conduisent également à l’abîme, peu nous importe les motifs divers qui les ont déterminés à suivre le même chemin.

Fairfax s’étoit laissé entraîner par la faction parlementaire ; il s’aperçut trop tard qu’il avoit été trompé. Il voulut trop tard arracher le roi à ses bourreaux. Le jour de l’exécution de Charles Ier il se mit en prière avec Harrison pour demander des conseils à Dieu. Harrison savoit que le coup alloit être porté ; il prolongeoit exprès la fatale oraison, afin d’ôter au général le temps de sauver le monarque. On apporte la nouvelle : « Le ciel l’a voulu ! » s’écrie Harrison en se levant. Fairfax fut consterné, mais le roi étoit mort.

Sans donc nous occuper des hommes, ne parlons que des systèmes. Si je parviens à en prouver la fausseté, à montrer l’écueil aux pilotes chargés de nous conduire, je croirai avoir rendu un grand service à la France, convaincu, comme je le suis, que si l’on continue à suivre la route où nous sommes engagés, on mènera la monarchie légitime au naufrage.

CHAPITRE XIII.
SYSTÈME CAPITAL, FONDEMENT DE TOUS LES AUTRES SYSTÈMES SUIVIS PAR L’ADMINISTRATION.

Le grand système d’après lequel on administre depuis la restauration, le système qui est la base de tous les autres, celui d’où sont nées ces hérésies : Il n’y a point de royalistes en France ; la chambre des députés n’est point dans le sens de l’opinion générale ; il ne faut point suivre la majorité de cette chambre ; il ne faut point d’épurations ; les royalistes sont incapables, etc., etc. ; ce système, qu’on ne peut soutenir qu’en niant l’évidence des faits, qu’en calomniant les choses et les hommes, qu’en renonçant aux lumières du bon sens, qu’en abandonnant un chemin droit et sûr, pour prendre une voie tortueuse et remplie de précipices, ce système, enfin, est celui-ci : il faut gouverner la france dans le sens des intérêts révolutionnaires.

Cette phrase, bien digne des révolutionnaires par sa barbarie, renferme l’instruction entière d’un ministre. Tout homme qui ne la comprend pas est déclaré incapable de s’élever à la hauteur de l’administration. Il ne vaut pas la peine qu’on daigne lui expliquer les secrets des têtes fortes, des esprits positifs et des génies spéciaux[1].


  1. Jargon d’une petite coterie politique bien connue à Paris. Cette note est pour la province et pour l’étranger.