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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/76

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vanité en souffrance, qui s’irrite de n’être pas seule appelée aux conseils du roi, et qui voudroit jouir auprès de lui non-seulement de l’égalité, mais encore de la préférence ; enfin un désespoir secret, né de l’obstacle insurmontable qui s’élève entre Louis XVIII et les juges de Louis XVI. Ne seroit-il pas bien plus favorable pour ces hommes de se rendre justice, d’avouer ingénument leurs torts, de convenir qu’ils ne peuvent pas être une société pour le roi, de reconnoître ses bontés au lieu de se sentir humiliés de son silence, de la paix qu’il leur accorde et du bonheur qu’il répand sur eux pour toute vengeance ?

Il est assez probable toutefois qu’ils ne se mettent si fort en avant que parce qu’ils se font illusion sur leur position : il faut les détromper.

Ce n’est pas sans raison qu’ils nous répètent que la France entière est coupable avec eux de la mort du roi. « Si on nous frappe, disent-ils, on frappera bientôt ceux qui nous suivent : nous sommes la première phalange ; une fois rompue, le reste sera enfoncé de toutes parts. » Ils espèrent ainsi enrôler beaucoup de monde sous leur drapeau et se rendre redoutables par cette espèce de coalition.

D’abord on ne veut point les atteindre ; on ne les menace point. Pourquoi sont-ils si susceptibles ? Pourquoi prendre les pleurs que l’on répand sur la mémoire de Louis XVI pour des actes d’accusation ? Faut-il, pour ménager leur délicatesse, s’interdire tous regrets ? La douleur est-elle une vengeance, le repentir une réaction ? En admettant même que ces personnes eussent de justes sujets de crainte, elles sont complètement dans l’erreur lorsqu’elles s’imaginent que tous les François font cause commune avec elles. La mort du roi et de la famille royale est le véritable crime de la révolution. Beaucoup d’autres actes de cette révolution sont des erreurs collectives, souvent expiées par des vertus et rachetées par des services, des torts communs qui ne peuvent être imputés à des particuliers, des malheurs qui sont le résultat des passions, le produit du temps et l’inévitable effet de la nécessité.

Mais les auteurs de la mort du roi ont une cause parfaitement isolée : sous ce rapport, ils n’inspirent aucun intérêt.

Ce n’est point ici une vaine supposition : la formation de la chambre des pairs a amené nécessairement quelques exclusions : le peuple s’en est-il affligé ? La chambre des députés comptoit parmi ses officiers inférieurs quelques personnes assez malheureuses pour avoir participé à la mort de Louis XVI : elle les a invitées à se retirer. La nation n’a vu dans cette conduite que l’interprétation de ses propres