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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/75

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à Dieu qu’il eût péri dans une insurrection populaire ! La France pleureroit un malheur ; elle n’auroit pas à rougir d’un crime.

Vous assurez « que si les juges qui ont condamné le roi à mort se sont trompés, ils se sont trompés avec la nation entière, qui, par de nombreuses adresses, a donné son adhésion au jugement. Les gouvernements étrangers, en traitant avec ces juges, ont aussi prouvé qu’ils ne blâmoient pas le meurtre de Louis. »

Ne flétrissez point tous les François pour excuser quelques hommes. Peut-on sans rougir alléguer les adresses de ces communes gouvernées par un club de Jacobins et conduites par les menaces et la terreur ? D’ailleurs, un seul fait détruit ce que l’on avance ici. Si, en conduisant le roi à l’échafaud, on n’a fait que suivre l’opinion du peuple, pourquoi les juges ont-ils rejeté l’appel au peuple ? Si Louis étoit coupable, si les vœux étoient unanimes, pourquoi, dans la Convention même, les suffrages ont-ils été si balancés ? La haute cour qui condamna Charles le condamna à l’unanimité. La France vous rend le fardeau dont vous voulez vous décharger sur elle ; il est pesant ! mais il est à vous, gardez-le.

« Les nations étrangères ont traité avec vous ! » Ce ne fut point au moment de la mort du roi. L’assassinat de Louis, du plus doux, du plus innocent des hommes, acheva d’armer contre vous l’Europe entière. Un cri d’indignation s’éleva dans toutes les parties du monde : un François étoit insulté pour votre crime jusque chez ces peuples accoutumés à massacrer leurs chefs, à Constantinople, à Alger, à Tunis. Parce que les étrangers ont traité avec vous, ils ont approuvé la mort du roi ! Dites plutôt que le courage de nos soldats a sauvé la France du péril où vous l’aviez exposée en appelant sur un forfait inouï la vengeance de tous les peuples. Ce n’est point avec vous qu’on a traité, mais avec la gloire de nos armes, avec ce drapeau autour duquel l’honneur françois s’étoit réfugié, et qui vous couvroit de son ombre.

CHAPITRE V.
ILLUSION DES APOLOGISTES DE LA MORT DE LOUIS XVI.

Que veulent donc au fond les auteurs de ces déplorables apologies ? La république ? Ils sont guéris de cette chimère. Une monarchie limitée ? Ils l’ont ; et ils conviennent eux-mêmes que toutes les garanties de la liberté sont dans la Charte. Si nous sondons la blessure, nous trouverons une conscience malade, qui ne peut se tranquilliser, une